CE d’EDF accusera perte 100 M€ en 2010
Le comité d’entreprise d’EDF accusera plus de 100 millions d’euros de pertes en 2010
«La Caisse centrale des activités sociales est en perdition», lâche à demi-mot l’un des dirigeants de la CGT. La CCAS, richissime comité d’entreprise d’EDF et de GDF-Suez dirigé par la centrale de Montreuil, serait en passe de terminer l’année 2010 avec un déficit d’exploitation compris entre 100 et 120 millions d’euros.
Une catastrophe financière difficilement compréhensible, compte tenu de la générosité des industries électriques et gazières (IEG). La loi de 1946 prévoit en effet que les IEG doivent verser à leur «CE» 1% du montant de leurs ventes d’énergie en France. Cette année, cette somme a représenté 470 millions d’euros, dont 95% environ à la charge d’EDF et de GDF-Suez, et le reste à celle de plusieurs contributeurs comme Electricité de Strasbourg.
En réalité, la CCAS a touché à elle seule 325 millions en 2010. Le solde de 145 millions, a principalement été attribué aux CMCAS et à ses sections, c’est à dire à un gros millier d’antennes décentralisées (cette bureaucratie maille l’Hexagone pour financer les activités sportives et culturelles des électriciens et des gaziers). C’est un «Comité de coordination» des œuvres sociales également dirigé par la Fédération nationale des mines et de l’énergie (FNME) de la CGT qui se charge de répartir la manne, en s’attribuant quelques millions au passage, histoire de constituer des réserves…
Mais en plus de cette dotation de 325 millions, la CCAS encaisse aussi des recettes commerciales : 130 millions d’euros cette année, qui proviennent surtout des ventes de séjours de vacances, et des repas servis dans les restaurants d’entreprise.
Les dépenses ont flambé en 2010
L’ennui, c’est que les dépenses de la CCAS ont tellement flambé cette année qu’elles devraient, selon la direction, atteindre 555 à 575 millions d’euros le 31 décembre prochain. Pourquoi ? D’abord, à cause d’«Acti en mouvement». Cette réforme devait permettre de réduire les coûts en adaptant mieux les moyens aux besoins, au lieu de quoi elle a eu l’effet inverse : en 2009, par exemple, les effectifs permanents de la maison avaient augmenté de 11% par rapport à 2007, année précédant la réforme…
Et puis la CCAS s’est mise en tête, en 2008, de racheter la Compagnie internationale André Trigano (CIAT), le fabricant de toiles de tente, fournisseur depuis cinquante ans de ses colo de vacances comme de la Fête de l’Huma. Le prix de cette CIAT en pleine déconfiture a été fixé à 82 millions d’euros, mais la CCAS a déjà dû procéder à une augmentation de capital de 25 millions. Et ce n’est pas fini.
Pas étonnant donc que cette folie dépensière laisse présager un déficit supérieur à 100 millions pour cette année. En 2009, déjà, les pertes dues à le gestion de Michael Fieschi, le président de la CCAS, et de Jean-Pierre Crémona, son directeur général, ont atteint 64 millions d’euros (les deux dirigeants, que nous avons sollicités, ont refusé de nous répondre).
Pour boucher un peu artificiellement ce trou, ils se sont à l’époque tournés vers le Comité de coordination qui leur a reversé les 32 millions d’euros de cagnotte que cette émanation de la FNME-CGT avait patiemment constitué depuis 2007 en puisant dans le 1% des entreprises. C’est grâce à cet élément exceptionnel que les pertes de l’exercice ont pu être ramenées à 32 millions.
Hélas, à la fin du mois d’août 2010, le comité de coordination n’avait plus de tirelire à casser lorsqu’un nouveau déficit de 89 millions d’euros s’est affiché au tableau de bord de la CCAS. Les deux dirigeants cégétistes ont alors pensé aux 250 millions d’euros de réserves constituées au fil des ans grâce aux contrats d’assurance IDCP (invalidité décès complément prestations), souscrits volontairement par les salariés. Ils envisagent aujourd’hui de puiser 70 millions d’euros dans cet autre fonds.
Le tarif des séjours de vacances doublera en trois ans
Michael Fieschi et Jean-Pierre Crémona ont toutefois décidé de réagir avant d’épuiser leurs dernières réserves. Pour redresser la situation financière, ils chercheraient d’abord à vendre pour 50 millions d’euros d’actifs immobiliers, sur un patrimoine constitué de 214 centres de vacances adultes et enfants, dont la CCAS a elle-même estimé la valeur à 4,5 milliards d’euros.Difficile, quand on sait qu’elle a jusqu’alors peiné à vendre pour 25 millions d’euros d’actifs depuis 2004.
La Caisse proposera ensuite à son conseil d’administration de décembre prochain d’augmenter de 33% les tarifs des séjours de vacances payés par les électriciens et les gaziers, de manière à faire passer ses recettes commerciales à 155 millions d’euros en 2011, soit 25 millions de mieux qu’en 2010.
Grâce à trois augmentations de tarifs successives, la CCAS doublera d’ailleurs les prix des vacances en trois ans. Le comité d’entreprise ambitionne également d’accroître de 7% l’an prochain le nombre de repas servis aux salariés, alors même que ce chiffre n’a pas cessé de décliner depuis dix ans. Enfin, les dirigeants se font fort de réduire de 36 millions d’euros leurs coûts de fonctionnement, ce qui paraîtra ambitieux quand on songe à l’efficacité de la réforme «Acti en mouvement».
Par chance, le ministère de l’Industrie a déjà averti la CCAS que la dotation annuelle versée par les IEG allait mécaniquement augmenter en 2011, du fait de la hausse des tarifs de l’énergie : la Caisse pourrait du coup compter sur 360 millions d’euros, soit 35 millions de plus que cette année…
La plupart des observateurs estiment peu probable que ces mesures de redressement soient couronnées de succès. Et si, par extraordinaire, elles l’étaient, la trésorerie de la Caisse resterait négative à hauteur de 130 millions d’euros, ce qui explique les réticences des banques qui ont été appelées à l’aide.
Voilà pourquoi Jean-Louis Borloo, encore ministre de l’Environnement et de l’Energie, a engagé des négociations en vue de changer le mode de gouvernance de la CCAS pour l’ouvrir aux employeurs, afin de l’aligner sur le droit commun des comités d’entreprises. Dans la foulée, il a exprimé son intention de revoir aussi l’assiette de financement.
En règle générale, les entreprises versent 1% de leur masse salariale à leur CE. En attribuant 1% de son chiffre d’affaires réalisé en France à la CCAS, EDF lui verse l’équivalent de 14% de sa masse salariale… Voilà un chantier qui ne devrait pas manquer de passionner Eric Besson, le nouveau ministre de l’Industrie.
Etienne Gingembre
Un comité d’entreprise empêtré dans les scandales
Les mauvaises nouvelles succédant aux plus déplorables travers, voilà que cette débâcle financière vient s’ajouter à la cohorte des ennuis judiciaires.
Contrôlée depuis 1946 par la CGT, et plus précisément par la Fédération nationale des mines et de l’énergie (FNME) de la centrale de Montreuil, la CCAS est en effet au cœur d’une succession de scandales depuis 2004. La Cour des comptes et le parquet financier de Paris enquêtent depuis six ans sur des soupçons de financement occulte de la CGT, de la Fête de l’Humanité, voire du Parti communiste.
Une dizaine de mises en examen ont d’ailleurs été prononcées par le juge Jean-Marie D’Huy, notamment à l’encontre de Jean Lavielle, un ancien président de la CCAS, d’une militante communiste des Hauts-de-Seine employée fictivement par l’institution, de l’Iforep, l’institut de formation de la Caisse, de la société éditrice du journal «L’Humanité» et de la FNME elle-même.
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