Le groupe de médias et de télécoms affiche une
belle hausse de son chiffre d'affaires et de son résultat opérationnel
au premier semestre, grâce à une augmentation de ses parts de marchés.
JEAN-BERNARD LEVYPRESIDENT DU DIRECTOIRE DE VIVENDI
« Nous assistons à un bradage des fréquences mobiles »
[ 01/09/09 ]
Vivendi publie ce matin des résultats semestriels peu ou prou
conformes à ce qu'attendaient les analystes dans un environnement
économique difficile. Sur les six premiers mois de 2009, le groupe,
diversifié dans les télécoms et les médias, a vu son chiffre d'affaires
progresser de 17 %, à plus de 13,1 milliards d'euros, à la faveur de
l'intégration de Neuf Cegetel, racheté par SFR - filiale à 56 % de
Vivendi - l'an dernier. Le résultat opérationnel ajusté du groupe a crû
de 12,9 %, à près de 2,9 milliards, tandis que le résultat net ajusté
est resté quasi stable à 1,4 milliard. Dans les télécoms, la filiale
SFR a vu son activité stagner (- 0,3 %) à base comparable. La dynamique
commerciale a été bonne tant dans le mobile et l'ADSL puisque SFR a
recruté 559.000 clients mobile en six mois et 112.000 abonnés ADSL au
deuxième trimestre. Dans les deux cas, SFR dépasse largement Orange.
Mais l'opérateur note que « les consommations en situation d'itinérance
et hors forfait sont en baisse, reflétant les effets de la crise
économique actuelle ». L'autre filiale de Vivendi dans les télécoms -
Maroc Telecom - a vu son résultat opérationnel ajusté grimper de 0,3 %,
à 586 millions d'euros sur les six premiers mois de l'année. Dans la
musique, le chiffre d'affaires d'Universal Music Group s'élève à 2
milliards d'euros au premier semestre, en retrait de 1,7 % par rapport
à la même période en 2008. Le résultat opérationnel ajusté de la maison
de disques a cependant reculé de 18 %, en raison de « la baisse des
ventes de musique enregistrée ». Chez Canal +, le chiffre d'affaires a
stagné au cours des six premiers mois de 2009, mais la résultat
opérationnel ajusté du groupe audiovisuel a augmenté, de 34,5 %, à 472
millions d'euros. Dans une interview aux « Echos », le président du
directoire de Vivendi, Jean-Bernard Lévy, souligne « la bonne
résistance » de son groupe à la crise et revient sur les dossiers
chauds du moment. Il annonce notamment son intention de se joindre à la
plainte de France Télécom à Bruxelles contre le prix de la quatrième
licence mobile qu'il estime « bradé ».
Comment Vivendi a résisté à la crise qui s'est accélérée au premier semestre ?
Le groupe offre une bonne résistance à la crise grâce à son modèle
fondé sur l'abonnement et les contenus innovants et créatifs. Nos
métiers génèrent des revenus récurrents et sont peu affectés quand la
production industrielle et la consommation chutent. En période de
crise, le consommateur fait certes des arbitrages, mais il ne sacrifie
pas des dépenses modestes comme le téléphone ou l'Internet qui sont le
coeur d'activité de SFR, ou les contenus premium comme le cinéma et le
foot qui sont celui de Canal+. Au deuxième trimestre, SFR est devenu
pour la première fois numéro un en recrutement de nouveaux abonnés dans
l'ADSL. J'y vois un symbole de la réussite de la fusion entre Neuf
Cegetel et SFR. Dans le mobile, SFR a repris la tête en ventes nettes
avec une très bonne croissance du parc d'abonnés. Canal+, lui aussi, se
porte bien. Enfin malgré un marché plus difficile ces derniers mois,
les ventes de jeux vidéo d'Activision Blizzard se sont bien tenues tout
comme celles d'Universal Music. Pour la suite de l'exercice, nous
prévoyons toujours une forte amélioration du résultat d'exploitation et
le maintien du versement d'un dividende élevé. Nos résultats sont en
croissance et témoignent de la solidité du modèle Vivendi.
Paradoxalement, nous souffrons plus des décisions arbitraires de la
puissance publique et des régulateurs que de la crise !
C'est-à-dire ?
Je pense notamment à la taxe sur le chiffre d'affaires des opérateurs
télécoms pour financer France Télévisions, ou encore à la baisse des
prix des terminaisons d'appel. Ces décisions étranges affectent la
compétitivité d'entreprises qui sont pourtant des acteurs moteurs de
l'économie numérique. C'est d'autant plus incompréhensible que le
numérique est le premier vecteur de croissance devant l'environnement.
Iliad est candidat à la 4e licence… Envisagez-vous comme Bouygues de
vous joindre à la plainte de France Télécom à Bruxelles contre le prix
de 240 millions d'euros fixé par l'Etat français ?
Oui, nous allons contester devant la Commission européenne ce prix de
240 millions d'euros qui a été fixé pour la 4 licence mobile. Au début
de la décennie, les trois opérateurs actuels, Orange, SFR et Bouygues
Telecom, avaient payé leur licence 619 millions d'euros chacun.
Aujourd'hui, nous avons le sentiment de vivre une véritable inégalité
de traitement, d'assister à un bradage des fréquences. Cette aide
accordée au futur quatrième opérateur va affaiblir des entreprises qui
participent à la relance de l'économie. Quelles garanties a-t-on que
cette licence ne va pas surtout profiter aux industriels asiatiques qui
bénéficient d'une aide massive de leurs gouvernements ? Faut-il
vraiment un nouvel opérateur ? J'observe que, dans plusieurs pays, on
passe actuellement de quatre à trois opérateurs et non l'inverse. Ca
vient de se passer en Australie, c'est imminent en Espagne et en
Grande-Bretagne, et peut-être même aux Etats-Unis.
Vous n'êtes pas chaud à l'idée de voir Free déclencher une guerre des prix dans le mobile…
Cela fait neuf ans que nous anticipons l'arrivée d'un quatrième
opérateur ! L'objectif du gouvernement est de faire baisser les prix du
mobile, mais la guerre des prix existe déjà en France et les Français
bénéficient déjà de prix parmi les plus bas d'Europe.
Espérez-vous toujours monter à 100 % dans SFR et Canal+ ?
Nous souhaitons effectivement racheter nos minoritaires chez SFR et
Canal+, pour simplifier le groupe et aboutir à une situation comparable
à celle d'Universal Music que nous contrôlons à 100 %. Du côté de SFR,
c'est le statu quo. Pour Canal+, nous allons sans doute racheter, comme
prévu, les 15 % de TF1 et M6 à la fin de l'année. Cette opération est
déjà budgétée, le chèque est prêt. On verra ce que veut faire Arnaud
Lagardère qui a la possibilité de racheter 14 % supplémentaires pour
monter à 34 %. Mais il n'y a pas de discussions aujourd'hui entre
Lagardère et Vivendi à ce sujet.
L'évolution du « churn » chez Canal+ ne vous inquiète pas ?
Le juge de paix c'est la performance économique et la performance
économique de Canal+ sur le premier semestre est excellente. Le taux de
résiliation a augmenté l'an dernier à l'occasion de l'intégration de
TPS. Aujourd'hui, cette opération est dernière nous et le « churn » a
commencé à diminuer. Surtout, le « churn » des abonnés anciens, ceux
qui sont clients depuis plus d'un an, se maintient autour de 10 %. Avec
les offres Initial et Week-end, Canal+ est en train d'élargir son offre
pour toucher un plus grand nombre de clients. Nous prévoyons
d'ailleurs, malgré la crise économique, de terminer l'année avec plus
d'abonnés que douze mois auparavant.
Comment Universal Music tire son épingle du jeu dans un marché du disque toujours sinistré ?
Le premier trimestre a été porté par le succès d'artistes comme les
Black Eyed Peas, U2 et Eminem, le deuxième trimestre s'est révélé un
peu moins bon. Mais le téléchargement légal se développe très
rapidement avec des progressions de près de 30 % depuis le début de
l'année. Cela devient un véritable marché, Universal Music a réalisé
quelque 500 millions d'euros de ventes numériques sur le premier
semestre de cette année. Lady Gaga, l'une des meilleures ventes
d'Universal Music, vend par exemple aux Etats-Unis plus sur Internet
que d'albums physiques. Nous multiplions d'ailleurs les initiatives
dans la distribution par Internet. Nous venons de signer avec YouTube,
autrement dit Google, un accord important pour développer Vevo. Vevo
sera lancé en fin d'année aux Etats-Unis. Ce site Internet, qui
rassemble Universal Music et Sony, diffusera des clips et vendra de la
musique en ligne et des services associés. Il profitera de l'énorme
trafic de YouTube et en contrepartie nous leur verserons une redevance.
PROPOS RECUEILLIS PAR DAVID BARROUX ET JEAN-CHRISTOPHE FERAUD, Les Echos