L'Irlande,
autrefois surnommée le "Tigre celtique" et enviée par les autres pays
européens pour ses taux de croissance insolents, va plonger cette année
dans la récession, touchée de plein fouet par la crise du crédit, a
prévenu mardi un institut de conjoncture local.
Dans son dernier
bulletin trimestriel, l'Economic and social research institute (ESRI) a
dit tabler désormais sur un repli de 0,4% du produit intérieur brut
(PIB) cette année.
Cela représente un abaissement drastique de
ses prévisions, par rapport à son précédent bulletin trimestriel publié
en mars, dans lequel l'institut très réputé dans l'île disait encore
tabler sur une croissance de 1,8%.
Une telle récession serait la
première depuis 1983, soit un quart de siècle, a remarqué l'ESRI, qui
n'a cessé de revoir à la baisse ses prévisions depuis l'éclatement de
la crise financière internationale l'été dernier.
Le choc serait
d'autant plus douloureux que l'Irlande affichait jusqu'ici des taux de
croissance parmi les plus élevés en Europe. Celle-ci avait dépassé 10%
au début de la décennie, et s'élevait encore à 5,3% l'an dernier.
La
crise des "subprime" avait déjà commencé à peser sur un des secteurs
clés de l'économie irlandaise, particulièrement sensible à la
conjoncture américaine: le bâtiment.
La construction de
logements, jusque-là florissante, et l'une des principales sources
d'emploi du pays, s'est en effet effondrée ces derniers mois sous
l'impact du renchérissement des conditions du crédit, d'une remontée du
chômage, du pétrole cher et de l'appréciation de l'euro.
Mais
depuis le printemps, la morosité s'est répandue dans le reste de
l'économie et a sapé un autre moteur de la croissance du Tigre
celtique: la consommation des ménages.
"Dans nos précédents
bulletins, l'abaissement des prévisions s'expliquait par l'accélération
du retournement du secteur du BTP. Cette fois, c'est la révision à la
baisse de la consommation qui a contribué le plus au nouvel
abaissement", a indiqué l'ESRI, qui ne table plus que sur une hausse de
1% de la consommation cette année, contre 6% en moyenne les trois
années précédentes.
L'institut prévoit aussi que le déficit
public brisera le plafond de 3% fixé par le Pacte de stabilité et de
croissance européen, pour grimper l'an prochain à 3,9%, ce qui risque
de lui attirer les foudres de la Commission européenne.
Cette
récession annoncée risque donc de compliquer la tâche du nouveau
Premier ministre, Brian Cowen, qui a succédé le mois dernier à Bertie
Ahern.
Alors que le règne de son prédécesseur avait été marqué
par une vague de prospérité exceptionnelle et l'accord de paix
historique en Irlande du Nord, M. Cowen voit déjà les soucis
s'accumuler, avec le rejet du Traité de Lisbonne par les électeurs
irlandais.
Autre conséquence, l'Irlande, qui avait accueilli de
nombreux immigrés ces dernières années, et notamment des contingents
importants d'expatriés américains et européens, devrait redevenir une
terre d'émigration: elle devrait enregistrer 20.000 départs nets l'an
prochain, a prédit l'ESRI.
L'économie irlandaise devrait
toutefois se redresser un peu l'an prochain. En 2009, l'ESRI continue à
prévoir un rebond "modeste" de l'économie irlandaise, mais ne table
plus que sur une croissance de 1,9% du PIB, contre 3,1% précédemment.
AFP