Le quasi doublement des frais de scolarité universitaires aux USA depuis dix ans a provoqué un accroissement considérable du nombre de prêts étudiants dont les remboursements, extrêmement coûteux, pénaliseront longtemps les emprunteurs et auront un impact sur l’économie durant des années.
Poiur faire face aux frais de scolarité de nombreuses familles ont eu recours à des prêts souscrits auprès d’organismes privés, dont les intérêts à taux variable peuvent monter jusqu’à 20%.
Certains salariés de la prochaine génération seront tellement endettés qu’ils devront différer l’acquisition d’un logement, réduire leurs vacances, voire même économiser sur la nourriture pour faire face à leurs obligations.
Kristin Cole, une jeune diplômée de l’université du Michigan, doit 110 000 euros à des organismes de prêts étudiants privés et publics. Ses remboursements mensuels, qui s’élèvent aujourd’hui à 430 euros, soit un quart de son salaire, passeront l’année prochaine à 570 euros.
« Je ne pourrais jamais me payer un logement, je ne peux pas voyager, je ne peux rien faire, je me sens prisonnière, » dit-elle.
La hausse des frais de scolarité a été considérable ces dernières années. Ils ont augmenté de 80% dans les universités publiques et de 65% dans celles du secteur privé, alors que l’inflation depuis dix ans est de 29%. Il en coûte aujourd’hui 8 500 euros dans le public et 21 500 euros dans le privé pour chaque année universitaire.
Plus de 12 milliards d’euros de prêts étudiants ont été accordés l’année dernière au lieu de 2,8 milliards en 2001. Le montant total des prêts en cours est passé de 27 milliards en 1995 à 60 milliards aujourd’hui.
Les prêts accordés par le gouvernement, dont le taux d’intérêt ne peux excéder 6,8%, sont limités à 16 500 euros, soit seulement la moitié du coût d’une formation de quatre ans dans le public, et le sixième de celui du privé.
De nombreux étudiants doivent donc se retourner vers les banques et les organismes de prêts privés, mais leurs conditions sont nettement plus désavantageuses.
Le Dr Paul Henri Zottola doit rembourser 1 150 euros de prêt étudiant, qui viennent s’ajouter aux 1 650 euros de son emprunt hypothécaire et aux 1 000 euros de l’ emprunt qu’il a du souscrire pour financer son installation. Le Dr Zottola, qui doit encore aujourd’hui 215 000 euros au titre de son emprunt étudiant, prévoit que « pour les dix ans qui viennent tous mes revenus seront mobilisés. »
Andrew Cuomo, le procureur général de New York, estime que de nombreux diplômés sont aussi endettés que les acquéreurs de logement. Mais à l’opposé du marché des prêts immobiliers ou les organismes sont contraints par des disposition légales, le marché du prêt individuel ressemble au « far west, » estime le magistrat.
De nombreuses plaintes ont été déposées contre les organismes de crédit qui pratiquent une politique commerciale agressive en promettent de débloquer 35 000 euros en 10 minutes.
La demande des investisseurs pour les titres gagés sur ce marché a dopé l’activité du prêt étudiant. L’année dernière 54 milliards d’euros de titres ont été vendus aux investisseurs internationaux, soit une augmentation de 76% par rapport aux 6,7 milliards de 2005.
Le marché des titres adossés à ces prêts pourrait souffrir à son tour d’un ralentissement de l’économie provoqué par la crise du crédit.
« Dès que l’économie ralentira, nous allons assister a une forte augmentation des procédures de faillites personnelles, » déclare Robert Manning, un professeur qui a écrit sur le sujet.
Depuis un changement de législation en 2005, les remboursements de prêts étudiants peuvent, au même titre que les pensions alimentaires, faire l’objet de saisies sur salaire.
Contre Info Commentaire
Le mécanisme des prêts étudiants illustre l’une des conséquences néfastes de l’accroissement des inégalités de revenus. La part grandissante de ceux-ci captée par les plus riches n’est pas réinjectée dans l’économie sous forme de demande, de consommation, entraînant un surcroît d’activité bénéfique à tous comme le prétendent les théoriciens de la politique de l’offre.
Cette part non consommée doit trouver à se placer, c’est-à-dire extraire une rémunération.
Dans un monde parfait, ces investissements seraient vertueux, c’est-à-dire productifs. Ils permettraient aux entreprises d’acquérir des machines, de financer leurs investissements de recherche et de développement.
Mais dans la réalité, l’énorme masse de capitaux drainée grâce à la répartition très inégalitaire qui existe à l’heure actuelle ne trouve pas, loin de là, en face d’elle une demande d’investissements réellement productifs pour l’absorber.
Elle induit donc une inflation artificielle des cours de la bourse et des actifs, une mainmise accrue sur la sphère productive par la sphère financière qui exige des rendements à deux chiffres et des résultats à court terme, et enfin une frénésie d’inventions financières souvent exotiques mais toujours rémunératrices, dont la titrisation des dettes est l’un des derniers avatars.
Ce système, en finançant à crédit la consommation de ceux dont les revenus ont été pressurés à la baisse, revient à leur faire payer des intérêts pour avoir accès au pouvoir d’achat - direct ou indirect via les services fournis par la collectivité - dont ils ont été dépossédés.
Les pertes de revenu induites par la captation de richesse des hauts revenus et de l’actionnariat se doublent donc d’une deuxième perte sous forme d’intérêts prélevés.
Le même schéma est à l’œuvre pour l’état. La réduction des impôts sur les entreprises et les hauts revenus met les comptes de la nation dans le rouge, oblige à emprunter, et conduit à un deuxième transfert de richesses sous la forme des intérêts de la dette.
En France, selon les estimations, la moitié de la dette publique est détenue par des nationaux. Une moitié des 40 milliards d’intérêts annuels est donc transférée par la collectivité en destination des plus fortunés.
Voila bien une forme de redistribution inattendue : prendre à tous - donc aux pauvres - pour donner aux riches.