Hier à 13 h 30, heure de Paris, s'est tenu
un G7 dématérialisé. Chose complètement inédite, cette conférence
téléphonique entre les ministres des Finances et les gouverneurs des
banques centrales des grandes économies développées s'est conclue par
un communiqué commun : " Nous accueillons très favorablement les
mesures extraordinaires prises par les États-Unis pour améliorer la
stabilité des marchés financiers. " Tout était dit. Le plan de
sauvetage géant annoncé ce week-end par Henry Paulson, le secrétaire au
Trésor américain, recevait le soutien appuyé des grands argentiers du
reste du monde. C'était à l'aube, heure de New York, d'une semaine
cruciale où l'on saura si ce plan à 700 milliards de dollars aura suffi
à rassurer des marchés qui en pèsent plus de 60.000 milliards. Il y a
quelque chose de très effrayant et de très rassurant à la fois dans cet
effort des dirigeants pour offrir un front uni face à la masse énorme
et palpitante des marchés, sorte d'Ike ou de Katrina financier bourré
d'énergie potentiellement destructrice. D'un côté, on ne peut
s'empêcher de trembler à l'idée que les digues pourraient lâcher et, de
l'autre, on constate qu'une gouvernance mondiale se met en place pour
parer au désastre. Il faut évidemment s'en féliciter. Les amateurs de
fins apocalyptiques - qui se recrutent aussi bien chez les
ultralibéraux prêts à tout envisager pourvu que le marché ne perde pas
la face que chez quelques " alter " avides de voir châtier les riches -
se moquent bien des conséquences. Mais les cataclysmes bancaires, tout
en haut, jettent dans la misère des millions de familles, tout en bas,
comme la crise asiatique de 1998 l'a bien montré. Le monde sortira en
tout état de cause différent de cette crise-ci. Les États-Unis ont fait
face seuls, dans un premier temps, à des désordres nés de leur propre
système financier. Et c'était bien le moins. Ils ont ensuite appelé à
la rescousse les autres pays, pour peser davantage en termes de
crédibilité. Ces derniers en ont profité pour pousser leurs pions. Le
fameux communiqué concocté hier par téléphone " reconnaît la nécessité
de rendre la régulation plus efficace ". Ses signataires s'engagent à
"maintenir une coopération élevée entre les ministres des Finances, les
banques centrales et les régulateurs ". Henry (Paulson), Christine
(Lagarde), Peer (Steinbrück) ou Jean-Claude (Trichet) veilleront tous
ensemble sur la digue. Et l'on ne serait pas rassuré ?