Le fonds spéculatif Amaranth Advisors, qui a perdu plusieurs milliards de dollars en quelques jours à la suite de spéculations désastreuses, a suspendu le droit de remboursement de ses investisseurs et indiqué qu'il cherchait à liquider le reste de ses actifs.
Le 20 septembre, le fondateur du fonds de spéculation, Nicholas Maounis, a dû annoncer à ses investisseurs que 65 % du capital du fonds - c’est-à-dire six milliards sur neuf milliards de dollars - s’était évaporé en moins de trois semaines en raison de paris malheureux effectués sur le marché à terme du gaz naturel par une jeune courtier de 32 ans, lequel n'avait visiblement pas anticipé la chute des prix des hydrocarbures. Bien mal, lui en a pris.
I - Droit de remboursement suspendu
"Amaranth a déterminé qu'il était dans l'intérêt du fonds et de ses investisseurs de suspendre temporairement les remboursements pour les dates du 30 septembre et du 30 octobre", a indiqué le fonds dans une lettre aux investisseurs vendredi. Cette décision a été prise après l'échec de négociations sur un éventuel rachat des actifs par Citigroup, affirment le Financial Times et le Wall Street Journal samedi.
Le fonds a indiqué qu'il avait reçu des demandes "importantes" de retrait de fonds de la part de ses investisseurs ces derniers temps, et qu'il avait pris la décision de ne pas les satisfaire pour le moment "en raison du volume de ces demandes". "Cette suspension temporaire va permettre à Amaranth de générer des liquidités pour les investisseurs de façon ordonnée, dans le but de maximiser les recettes provenant de la liquidation des actifs", a-t-il ajouté.
En effet "notre intention actuelle est d'abandonner le reste des positions dans le portefeuille du fonds de façon ordonnée, en cherchant à maximiser le produit des ventes et de distribuer des liquidités aux investisseurs sur la base du prorata", ajoute le communiqué.
Il y a une dizaine de jours, Amaranth avait déjà cédé tous ses actifs dans l'énergie à un tiers. Il précise dans sa lettre qu'il "continue de poursuivre des négociations" sur d'éventuelles alliances stratégiques mais qu'il n'avait "pas d'annonce à faire pour le moment".
Le fonds ne dit pas explicitement qu'il va "mettre la clé sous la porte" mais selon le Wall Street Journal "cela signale la fin de l'une des chutes les plus spectaculaires du secteur des fonds d'arbitrage". Il est difficile de savoir combien les investisseurs récupéreront, ajoute le quotidien financier, mais l'écroulement du fonds risque en tous cas de déboucher sur de nombreuses actions en justice.
II – Montant des pertes estimées
A la date du 29 septembre, le capital d'Amaranth avait été amputé de 65 à 70% de sa valeur par rapport au début du mois (et de 55 à 60% par rapport au début de l'année). Depuis que le scandale a éclaté à la mi-septembre, le fonds a plusieurs fois relevé l'estimation de ses pertes (il parlait au départ de 35% depuis le début de l'année seulement).
Les affres d'Amaranth sont consécutives à de néfastes spéculations d'un jeune courtier de 32 ans sur les cours du gaz naturel. Depuis leur record historique de 15,78 dollars par million de british thermal unit (Mbtu) atteint en décembre dernier, les cours du gaz naturel ont perdu près de onze dollars.
Cette affaire intervient alors que plusieurs parlementaires demandent une législation plus stricte pour les fonds spéculatifs. Leurs actifs totaux dépasseraient les 1.000 milliards de dollars, selon des estimations officielles, mais ils sont dans une large mesure laissés à eux-mêmes et les autorités de régulation sont incapables d'en chiffrer le nombre exact. Selon certains experts, ils compteraient pour 30% de l'ensemble des transactions boursières aux Etats-Unis.
La désintégration en 1998 du fonds spéculatif Long term Capital Management (LTCM), avait nécessité une intervention de la banque centrale américaine pour éviter un krach boursier en raison des risques qu'entraînait le dénouement brutal de ses positions sur les marchés.
III – Cession de tous les actifs dans l'énergie
Amaranth Advisors a cédé tous ses actifs dans l'énergie à un tiers après avoir essuyé des pertes de plusieurs milliards de dollars dans le secteur. "Nous avons conclu une transaction négociée qui transfère la totalité de notre portefeuille d'actifs dans l'énergie à une partie tierce", a indiqué dans une lettre aux investisseurs, Nicholas Maounis, le PDG d'Amaranth.
"Afin de préserver le capital des investisseurs, nous avons pris un certain nombre de mesures, consistant notamment à réduire de façon drastique notre exposition au gaz naturel", avait affirmé Nicholas Maounis dans une première lettre à ses investisseurs.
La firme de notation financière Moody's avait alors estimé que les problèmes rencontrés par Amaranth étaient "gérables" pour l'industrie financière américaine. Elle soulignait également que les banques d'affaires actives dans le secteur avaient correctement couvert les risques liés au dénouement des positions d'Amaranth.
Cette mesure était destinée à "éviter la fermeture des lignes de crédits et, en conséquence, le risque d’une liquidation forcée par les créanciers". On devait apprendre plus tard dans la presse que le "tiers" en question est constitué de JP Morgan, l’un des principaux courtiers d’Amaranth, et du fonds d’investissement Citadel Investment Group, basé à Chicago.
Il s’agit ici du même type d’opération de "renflouement" que lors de la crise de LTCM. Sauf que cette fois-ci, l’équipe de sauvetage a estimé qu’il valait mieux tenir le public à l’écart de l’opération. Contrairement à 1998, la couverture médiatique du renflouement d’Amaranth reste particulièrement discrète.
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