Editeur, un métier à haut risque
Frédéric Cazenave et Emmanuel Schafroth
Un marché
de plus en plus large, de nouvelles sources de revenus grâce à Internet et,
surtout, le démarrage d'un nouveau cycle sur le marché des consoles... Les
arguments en faveur des éditeurs de jeux ne manquent pas. Ainsi, le marché
mondial des jeux pour consoles et PC devrait connaître un pic en 2009 avec un
chiffre d'affaires de 24 milliards de dollars, avant de refluer en 2010 et
2011, selon les prévisions d'IDG. Une aubaine, mais pas forcément pour tout le
monde, car chaque cycle fait son lot de victimes dans le secteur en raison des
coûts pharaoniques à consentir pour rester dans la course. Certes, les coûts de
développement d'un jeu vidéo n'atteignent pas encore ceux des superproductions
hollywoodiennes, comme ce troisième opus de Spiderman dans lequel Sony aurait
englouti 250 millions de dollars ! Mais créer un jeu de premier plan sur les
consoles actuelles requiert de dix-huit à vingt-quatre mois et coûte entre 10
et 20 millions de dollars, soit 2 fois plus que pour la génération précédente.
Avec un tel budget... en jeu, pas droit à l'erreur ! Les éditeurs doivent tout
mettre en oeuvre pour décrocher le « hit », le jeu à succès. A l'exception
d'Electronic Arts, leader mondial avec un chiffre d'affaires 2 fois supérieur à
celui de son principal concurrent, les éditeurs doivent concentrer leurs
efforts sur un plus petit nombre de titres qu'auparavant, d'où le risque d'une
rentabilité plus aléatoire.
Du côté
des acteurs français, les survivants n'affichent pas tous la même forme. Et
bien que, en janvier, Infogrames ait réussi une augmentation de capital de 74
millions d'euros sous forme de plan de la dernière chance, l'entreprise n'a pas
encore renoué avec la rentabilité. En 2007-2008, elle ne vise qu'une
stabilisation de son chiffre d'affaires, ce qui sera insuffisant pour atteindre
l'équilibre. Pis, sa filiale américaine Atari Inc., qui plombe ses comptes, est
susceptible d'être radiée du Nasdaq à cause de la publication tardive de ses
résultats annuels. Dans ces conditions, malgré quelques succès - Titeuf et Test
Drive - et la volonté du groupe d'accentuer ses efforts sur les consoles de
Nintendo, mieux vaut rester prudent. On est loin de la chevauchée fantastique
d'Ubisoft, qui s'est hissé à la deuxième place européenne des éditeurs
indépendants. Après une progression de plus de 150 % en un an, le titre est
proche de son record de février 2000, lors de la bulle technologique. Un
parcours justifié par les choix judicieux de la société, qui réalise déjà 60 %
de son chiffre d'affaires avec les consoles de nouvelle génération, à plus
fortes marges. Solide financièrement, Ubisoft a une nouvelle fois révisé en
hausse ses objectifs et table désormais sur 825 millions d'euros de
facturations pour 2007-2008 et sur une marge d'exploitation de 9 %. De quoi
réjouir Electronic Arts, qui enregistre déjà une coquette plus-value depuis son
entrée au capital du groupe français, fin 2004.
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