Brandon Conley, 14 ans
Le petit Mozart de l'investissement
BROOKLYN, New York | Brandon Conley débute sa conférence téléphonique hebdomadaire de 7 h 30 en faisant un exposé des nouveaux éléments affectant le portefeuille de son fonds, soit le Mariner Investment Advisers.
L'économie japonaise montre des signes de ralentissement. IBM accroît sa présence en Chine. Halliburton songe à offrir ses actions à la bourse de Dubaï. David White-Goode, 17 ans, et Jeremy Hitotsubashi, 13 ans, ses analystes financiers, l'écoutent attentivement. Brandon, quant à lui, est âgé de 14 ans.
David, qui couvre le secteur de la défense et de l'aéronautique, fait le point sur Northrop Grumman, soulignant sa position de force comme constructeur de navires. Sa recommandation: acheter.
"À quel prix?", demande Brandon. "85 $? Ou encore à un prix plus élevé, se rapprochant de la fourchette de Boeing ou de Lockheed?" "85 l'action", répond David.
Brandon et son équipe ne sont pas les premiers adolescents accros au marché boursier, mais leur histoire laisse supposer que certains jeunes investisseurs atteignent un niveau de sophistication inégalé, et font parfois preuve d'une véritable obsession.
Comme un pro
Brandon opère comme un véritable fonds d'investissement professionnel. De concert avec son équipe, il recueille des fonds auprès d'investisseurs extérieurs, établit des relations avec des entreprises et s'adresse aux participants lors d'assemblées d'actionnaires.
Brandon a eu l'idée de mettre sur pied son fonds en novembre, alors qu'il participait à un cours de sensibilisation aux questions financières.
Dans le cadre du programme, les étudiants devaient élaborer un plan d'affaires. L'un d'entre eux souhaitait ouvrir un commerce de planches à roulettes. Brandon - qui s'est intéressé aux marchés par le biais du jeu de réalité virtuelle Neopets où il simule la création de portefeuilles depuis l'âge de 12 ans - voulait lancer son propre fonds d'investissement.
"Brandon m'a totalement sidéré", lance Jay Ellis, directeur régional chez Washington Mutual, à Manhattan, et enseignant du cours.
Bon rendement
En six mois, Brandon a accru la valeur du fonds - qui comprend des sommes d'argent qu'il a gagnées en réparant les ordinateurs des voisins et quelques contributions provenant de ses oncles - de quelque 30 %, pour atteindre près de 5 000 $US.
Comme c'est la maman de Brandon qui lui enseigne à la maison, il peut modifier son horaire afin d'assister aux rencontres avec les investisseurs. Il s'est rendu récemment à l'Hôtel Pierre de Manhattan avec son père afin d'y rencontrer le milliardaire londonien Lakshmi Mittal, PDG de Mittal Steel. M. Mittal avait accepté de participer à une réunion informelle avec quelques analystes et une centaine d'investisseurs.
Brandon a acheté quelques centaines d'actions de Mittal Steel l'an dernier, au moment de l'offre hostile de Mittal sur sa rivale Arcelor. Il dit apprécier la stratégie de croissance agressive de M. Mittal.
Vêtu d'un complet noir à rayures, Brandon a pris la parole à maintes reprises durant la période des questions. "J'ai appris que la société Mittal Investments avait acquis les actifs pétroliers de la région de la Mer caspienne de Lukoil. Auriez-vous des observations à faire à ce sujet?", a-t-il demandé à M. Mittal, ajoutant qu'il souhaitait savoir si cet investissement était lié aux actifs du secteur de l'acier.
"Tous ces investissements extérieurs au secteur de l'acier sont des investissements familiaux. Ils n'ont rien à voir avec Arcelor Mittal", a répondu M. Mittal. Les dirigeants de Mittal ont répondu à ses questions, de même qu'à celles des autres investisseurs, ne donnant aucune indication visible quant au jeune âge de Brandon.
Mordu de la finance
Brandon est abonné à une dizaine de revues financières et sites Web, et demande souvent des abonnements à ses parents et aux membres de sa famille pour son anniversaire ou pour le temps des fêtes. Il regarde les chroniques financières télévisées presque tous les jours et idolâtre de nombreuses personnalités de CNBC, dont Maria Bartiromo et Jim Cramer, de Mad Money. Il a exhorté ses parents, de même que son frère et sa soeur, à se joindre à lui pour la séance de signature de livres de M. Cramer au Rockefeller Center.
"C'est ma première entreprise, dit Brandon. Je suis très enthousiaste."
Brandon effectue des transactions boursières presque tous les jours. À la fin d'une récente conférence téléphonique, Brandon a résumé la position financière du fonds et noté seulement deux pertes-XM SatelliteRadioHoldings (position courte) et Wal- Mart Stores (position longue) - ajoutant que les pertes étaient compensées par les gains. "Tout le reste va très bien."
Brandon a récemment décidé de mettre le fonds sur la glace pour quelques mois afin de participer à un camp de mathématiques au Colorado. (Il a transféré les actifs du fonds dans un compte de dépôt du marché monétaire.) À la fin de l'été, il compte relancer le fonds Mariner et y ajouter 30 000 $US qu'il entend amasser avec l'aide d'un avocat. Comme il n'a que 14 ans, ses parents agissent à titre de dépositaires du compte de courtage où il effectue ses opérations.
Un adolescent pas comme les autres
La chambre de Brandon est jonchée de journaux et de rapports annuels. Une série d'horloges installées au mur indiquent l'heure de New York, de Moscou, de Londres et de Tokyo, ce qui lui permet de surveiller l'ouverture des marchés étrangers.
Ses jeunes frère et soeur -Christopher, 6 ans, et Joralyssa, 9 ans - emploient parfois le "langage boursier", utilisant, par exemple, l'abréviation MCD pour parler de MacDonald's. Ils se sont appropriés ces termes à force de côtoyer Brandon et de regarder CNBC.
Sa mère Judith, qui est programmeure et qui enseigne à Brandon à la maison, ne voit rien de mal à ce que Brandon exploite une société d'investissement de la maison.
Elle s'inquiète toutefois des importantes sommes d'argent qu'il investit et de sa frustration face à des choses qui, règle générale, ne contrarient pas un adolescent, telle son incapacité à s'inscrire à un examen d'une durée de six heures (Series 7) pour les futurs courtiers en valeurs. (Vous devez travailler au sein d'une firme membre de la National Association of Securities Dealers pour vous soumettre à l'examen.)
Après avoir découvert qu'il suivait les marchés asiatiques sur les réseaux de télévision dédiés à la finance à 4 heures du matin, elle lui a suggéré d'aller dormir.
"Je dois avouer qu'à titre de mère, je suis terrifiée", lance Mme Conley.
Terence, père de Brandon et pianiste jazz ayant performé au sein des grands orchestres Count Basie et Duke Ellington, souligne que son épouse et lui tentent de ne pas trop restreindre les activités de Brandon, mais s'assurent qu'il est entouré de bons conseillers, notamment ses oncles.
Par Paul Glader
The Wall Street Journal
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