Neuf invente la musique en liberté surveillée
Neuf
mise sur la musique et frappe un grand coup. L’offre « triple play »
(Internet haut débit, télévision et téléphone en illimité) s’enrichit
d’un quatrième service en illimité : le téléchargement de musique. Le
tout pour le même prix : 29,90 euros par mois. Le fournisseur d’accès est le premier à lâcher les
vannes de la musique sur son accès Internet. On pourra donc, en toute
légalité, télécharger le Requiem de Mozart (par Karl Böhm) ou le
dernier tube d’Eminem d’un clic sur son PC, les transférer d’un second
clic sur son baladeur, ou sur son mobile MP3, et les écouter jusqu’à
plus d’oreilles, sans encourir les foudres des traqueurs de pirates.
L’offre est dévoilée ce matin et proposée dès cette semaine aux abonnés
de Neuf Cegetel. L’opérateur craindrait même une surchauffe sur son
site de téléchargement, tellement il est convaincu d’avoir trouvé, avec
la musique à gogo, la martingale pour doper ses ventes. L’offre est aguichante. Elle est néanmoins cadrée par
une série de restrictions. Le choix des titres se limite au catalogue
d’Universal. Plus exactement à la musique digitalisée et déjà proposée
en ligne par le producteur (autour de 150 000 titres). Certes la major
détient un bon quart du marché, mais pas forcément l’artiste auquel on
tient. Seconde restriction : il faut se résigner à choisir son genre
(pop, rock, variétés françaises, jazz/blues…). Et s’y tenir : on ne
peut pas passer d’une catégorie à l’autre en cours d’abonnement. Neuf,
dont la clientèle est familiale, raisonne par foyer. On pourra brancher
sur le service trois PC. Ce qui présage une petite bagarre au sein de
la famille pour choisir le style. A moins d’opter pour un accès à
l’intégralité du catalogue Universal, soit une majoration de
l’abonnement de 4,99 euros par mois… La dernière restriction est moins spectaculaire mais
plus fondamentale. Pour continuer d’accéder à ses morceaux, il faut
connecter sur Internet PC et baladeurs au moins une fois par mois.
Sinon, la musique s’évanouit, comme dans un mauvais tour de magie. Neuf
et Universal ont choisi de protéger la musique qu’ils diffusent sans
retenue. Les titres sont verrouillés par des DRM.
Si l’abonné résilie son accès haut débit, les fichiers deviennent
illisibles. Et il n’est pas possible de se protéger en gravant des CD.
Les DRM entraînent dans leur sillage toute une gamme de petites
vexations. Neuf et Universal ont choisi la solution Microsoft. Les PC
doivent être équipés de Windows Média Player, et les lecteurs MP3
compatibles avec la DRM Windows. Neuf va fâcher les inconditionnels
d’Apple, les maniaques de l’Ipod et les possesseurs de baladeurs Sony,
interdits du service… Julien Dourgnon, spécialiste du sujet à l’UFC-Que
choisir, reconnaît l’intérêt de l’offre, côté prix, mais il vitupère
contre la solution technique : « On est en train
d’assister à des alliances objectives entre ceux qui ont les tuyaux et
ceux qui ont les contenus pour créer des enclaves où on enferme les
clients. » Et de dénoncer une entorse au droit de la consommation : « On se retrouve devant un cas de vente liée implicite », où l’abonné est ficelé à la fois avec Neuf, avec Universal, et même avec Microsoft. L’offre, ajoute t-il, est « contraire à l’idée d’accès universel à la culture ».
Autrement dit : si Miles Davis et John Coltrane ne sont pas chez
Universal, on vous interdit de les découvrir. Et l’association de
plaider pour la suppression générale des DRM sur la musique en ligne :
les consommateurs doivent pouvoir acheter la musique de leur choix et
en faire ce qu’ils veulent.
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