28 septembre 2007
La bulle immobilière est la dernière illustration d’un non dit de l’économie néoclassique. Si l’inflation des biens de consommation doit être combattue avec la plus grande rigueur, celle des actifs est toujours considérée d’un bon oeil. Pourtant, de l’éclatement de la bulle internet à la crise des subprimes, ses effets sont toujours ravageurs.
Le New York Times publie un graphique - vertigineux - illustrant l’explosion des prix de l’immobilier aux USA. En 5 ans, ceux-ci ont augmenté de 70%. Aujourd’hui, la valeur de ces biens sur-évalués va subir une sévère dépréciation.
Mais les dettes contractées, elles, ne vont pas s’évaporer pour autant. Nombre d’entre-elles seront irrecouvrables et ceux qui ont acheté des obligations gagées sur ces promesses de remboursements vont connaître des jours difficiles.
L’indice des prix du logement aux USA depuis 1987.
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Un logement acheté 100 000 dollars en 1987 en valait 92 000 en 1996 et 171 000 fin 2005.
Un Tabou à Wall Street
La crise considérable que s’apprête à affronter l’économie américaine - et par voie de conséquences l’économie mondiale - a mis en pleine lumière un non dit de la pensée économique.
L’inflation des prix des biens et des services, c’est le mal absolu, mais l’inflation des actifs - l’augmentation du prix des véhicules patrimoniaux, actions ou immobilier - c’est le paradis.
Le diable inflationniste...
Depuis le tournant monétariste des années 1980, qui a fait de la stabilité monétaire la valeur cardinale de toute politique macro-économique, le diable porte un nom : inflation.
La justification, simpliste, de cette obsession c’est que la valse des étiquettes correspond à un appauvrissement. Quand les prix augmentent, c’est que la valeur de l’argent diminue.
Pour tous les économistes néoclassiques et pour les banquiers centraux qui appliquent leurs recettes, afin de juguler l’inflation il faut juguler les salaires dont l’augmentation pourrait se répercuter dans les prix des biens et des services.
Comme le métier des banquiers centraux c’est d’anticiper autant que faire se peut, ils gardent les yeux rivés sur l’indicateur qui leur permet de prévoir les tensions inflationnistes : le niveau du chômage.
S’il baisse, les salaires vont connaître une pression à la hausse, ils en déduisent donc qu’il est temps de ralentir la machine économique - c’est-à-dire de hausser les taux d’intérêts, ce qui a pour effet de contracter la consommation et les dépenses d’investissement.
La baisse de l’activité qui en résulte pèse sur l’emploi, le chômage remonte, les salaires sont contenus. Ouf, tout le monde respire, on a évité le pire.
Ce système, appliqué avec une rigueur d’airain, a fonctionné à merveille. Depuis une vingtaine d’années la part des salaires dans la richesse nationale a régressé de 10%.
...et le bon dieu boursier
Mais bizarrement, cette extrême sévérité ne s’applique pas quand ce sont les actifs capitalistiques qui connaissent le même processus inflationniste.
Si la bourse monte vers les sommets comme durant la bulle des nouvelles technologies, ou plus récemment avec les bulles immobilières, le consensus jusqu’à présent consistait à considérer qu’il s’agissait d’un bienfait, d’un enrichissement.
Le mécanisme à l’oeuvre est pourtant clairement celui qui correspond à la définition de l’inflation : trop d’argent face à trop peu de biens provoque une montée artificielle des prix, ce que justement le monétarisme prétend éviter à tout prix.
Le Maestro de la Fed n’a rien vu venir, parait-il
Et les conséquences sont à chaque fois de plus en plus catastrophiques. L’éclatement de la bulle internet a provoqué une récession que Greenspan a combattu en injectant dans l’économie des montagnes de liquidités, préparant ainsi la prochaine bulle, dont le graphique du Times permet de visualiser l’ampleur.
Aujourd’hui, contre toute évidence, Greespan affirme pourtant qu’il lui était impossible de savoir si oui ou non il s’agissait d’une bulle inflationniste.
Il y a fort peu de temps que l’expression « inflation des actifs » est apparue dans la littérature économique. Mais l’ampleur de la crise du crédit ne permet plus aujourd’hui d’éviter la question.
Pourquoi tant de sévérité pour les uns, pourquoi tant de complaisance pour les autres ?
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