L’Arabie Saoudite est le fournisseur clé du marché pétrolier mondial. Toutes les projections tablent sur une augmentation de ses exportations dans les prochaines années pour faire face à une demande accrue. Mais il y a un problème : la production saoudienne baisse. Ghawar, le plus grand champ pétrolier au monde est en train de s’assécher, et les saoudiens peinent à compenser son déclin.
Par James Hamilton, The Atlantic, octobre 2007
Il n’est pas de pays plus important sur le marché pétrolier que l’Arabie Saoudite.
Le royaume a produit environ 9,2 millions de barils de brut par jour (mb/j) en 2006, et compte pour 19% dans les exportations mondiales de pétrole. De nombreux analystes espèrent qu’il fournisse un quart de l’augmentation attendue de la production mondiale dans les années qui viennent. En tant que seul pays pétrolier jouissant de capacité excédentaire de production, il a joué un rôle crucial pour compenser les baisses de celle-ci, par exemple en pompant un supplément de 3,1 mb/j lors de la première guerre du Golfe, au moment ou la production de l’Irak et du Koweit avait baissé de 5,3 mb/j.
Le champ pétrolier de Ghawar est le joyau de la couronne. S’étendant sur plus de 200 km de zone désertique, c’est la plus grande réserve connue au monde. Il produit deux fois plus que n’importe quel autre champ et a sans aucun doute contribué à plus de la moitié de la ressource Saoudienne. Exploité depuis 50 ans, un jour ou l’autre sa production va décliner.
Les saoudiens ne publient pas de chiffres sur la production de chaque puits, ni sur leurs réserves restantes. Mais la production totale du royaume a baissé d’un million de barils sur les deux dernières années(cf graphique).
Le royaume affirme que cette baisse est due à la faiblesse de la demande. Mais la diminution marquée dans sa production a débuté au printemps 2006, alors que le prix du baril passait de 60 à 74 dollars. L’explication selon laquelle personne ne voulait acheter de brut saoudien soulève l’incrédulité. Cette chute dans la production a également coïncidé avec un effort gigantesque pour découvrir et extraire plus de pétrole. Le nombre de puits exploités en Arabie Saoudite a triplé durant les trois dernières années (cf graphique).
Frustré par le manque de données sur Ghawar, Stuart Staniford, un informaticien diplômé en physique, a réalisé une étude difficile à mener, en collectant les informations disponibles dans le domaine public. Ses travaux ont été publiés sur The Oil Drum, un site web qui analyse les marchés de l’énergie.
Les saoudiens ont développé Ghawar en utilisant des injections d’eau depuis la périphérie du champ. L’eau est pompée dans le puit, chassant le pétrole restant à la surface. En se basant sur les informations sur la production saoudienne, qui étaient disponibles en plus grand nombre avant les années 1980, Staniford a pu calculer que la hauteur de nappe de pétrole dans la zone nord de Ghawar était à l’époque de 160 mètres. Des éléments provenant de nombreuses sources suggèrent que le niveau de l’eau s’est élevé de 6 mètres par an. En extrapolant cette évolution, cela indiquerait que la région nord de Ghawar est aujourd’hui quasiment épuisée.
Staniford a également conçu une simulation informatique détaillée du champ de Ghawar, bâtie à partir des données sur sa forme et sa taille, la porosité et la perméabilité de la roche, et le taux d’extraction estimé. Le résultat de cette simulation se recoupe remarquablement bien avec les autres calculs effectués par Staniford. La production de Ghawar nord a vraisemblablement atteint son pic.
Ghawar sud contient toujours beaucoup de pétrole, et les efforts du royaume pour découvrir de nouveaux puits porteront peut-être leurs fruits. Mais Ghawar nord a été développé le premier parce qu’il était le champ le plus prometteur, et de loin. Sa production ne pourra être facilement remplacée. A peu près au même moment où la production saoudienne a commencé à décliner, le nouveau projet d’Haradh, au sud de Ghawar, a commencé à produire 300 000 mb/j supplémentaires. Les saoudiens ont également fait un énorme investissement pour rouvrir le champ de Qatif, sur la côte est, qui avait été abandonné en 1995, et qui selon les estimations fournit aujourd’hui 500 000 mb/j. Une production déclinante, malgré ces contributions nouvelles, suggère que la situation pourrait être sérieuse.
A tout le moins, l’époque où les capacités excédentaires de l’Arabie Saoudite lui permettaient de compenser les pertes de production dues aux évènements géopolitiques pourrait bien appartenir au passé, au moment même ou la menace de telles ruptures est plus grande que jamais. Si la production saoudienne continue à décliner alors que la demande mondiale continue de croître, dans quelques années nous regarderons l’été 2007 comme celui des derniers jours ou le carburant - même à un euro le litre - était abondant et bon marché.
James D. Hamilton enseigne l’économie à l’université de Californie, San Diego. Ses analyses sont publiées par Econ Browser
Publication originale The Atlantic, traduction Contre Info
http://contreinfo.info/article.php3?id_article=1327h
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