Hausses astronomiques des remboursements d'emprunt, saisies de
logements... Loin de se calmer, la crise des crédits immobiliers à
risque se poursuit aux Etats-Unis et pourrait même avoir des
conséquences dramatiques pour l'économie américaine, selon les
prévisions les plus sombres.
Domenico Colombo a de la chance. Cet habitant de Fort Lauderdale, en
Floride, a réussi à renégocier un taux d'intérêt fixe pour son crédit à
taux variable, dont les mensualités devaient s'envoler en décembre de
30%, soit 1.500 dollars (1.000 euros) supplémentaires.
Alors qu'il aura à payer les études universitaires de sa fille à
partir de l'an prochain, il craignait que cette hausse ne ruine ses
finances et redoutait de subir le même sort que nombre de ses voisins,
dans l'incapacité de rembourser et dont le logement a été saisi et mis
en vente.
L'accord passé avec sa banque lui permet d'envisager à nouveau
l'avenir sereinement. Mais beaucoup d'autres Américains risquent de ne
pas avoir cette chance. Dans les prochains mois, des millions
d'emprunts à taux variable vont voir leurs mensualités grimper,
laissant de nombreux propriétaires dans l'incapacité de payer.
Le nombre élevé des défauts de paiement cette année a déjà ébranlé
des institutions financières majeures, et une aggravation du phénomène
pourrait affecter l'ensemble de l'économie et non simplement les
banques, avertissent des experts.
Les scénarios les plus sombres esquissent une situation
catastrophique. "L'effet sur la consommation, les futurs comportements
d'emprunt pourraient nous amener à une croissance économique proche de
zéro", affirme Bill Gross, un responsable de PIMCO, le plus grand fonds
mondial d'obligations. "Cela m'empêche de dormir la nuit."
Deux millions de propriétaires possèdent pour 600 milliards de
dollars (405 milliards d'euros) de crédits à taux variable "subprime",
dont les mensualités devraient augmenter au cours des huit prochains
mois.
Or, selon les prévisions de certains experts, une nouvelle vague de
défauts ou de retards de paiement pourrait provoquer une grave réaction
en chaîne dans l'économie, en plus de faire perdre leur logement à de
nombreux Américains. La poursuite de la crise risque d'aggraver le
marasme dans le secteur de l'immobilier en mettant davantage de maisons
sur le marché, ce qui pourrait faire chuter les prix jusqu'à 40% dans
des Etats comme la Californie, le Nevada et la Floride.
Des constructeurs comme la société Neumann Homes basée à Chicago,
qui a demandé ce mois-ci à bénéficier de la protection de la loi sur
les faillites, pourraient mettre la clé sous la porte. Les dix plus
grandes banques mondiales pourraient voir augmenter leurs pertes liées
aux crédits à risque, qui se montent déjà à 75 milliards de dollars (50
milliards d'euros) depuis le début de l'année.
Des pertes massives d'emploi se traduiraient par une réduction des
dépenses des ménages, essentielles pour l'économie américaine. Le
département du Travail estime que près de 100.000 emplois dans les
services financiers liés au crédit aux Etats-Unis ont déjà été perdus.
Des milliers d'Américains dans le secteur du bâtiment pourraient
également se retrouver sans travail. Et d'autres secteurs pourraient
aussi être touchés.
Sur la base de modèles historiques, on estime qu'une croissance
égale à zéro ferait remonter le taux de chômage américain à 6,4%, ce
qui signifierait la suppression d'environ trois millions d'emplois,
selon l'Institut de politique économique basé à Washington. Par
comparaison, durant la dernière grande récession de l'économie
américaine, qui a eu lieu officiellement en 2001 mais dont les effets
se sont fait sentir jusqu'en 2003, quelque deux millions d'emplois ont
été détruits dans le pays. AP
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