a
nervosité est à son comble sur les marchés financiers. Le pétrole
flambe. Le dollar poursuit sa descente aux enfers. Les craintes sur le
système bancaire mondiale s'aggravent. Et les Bourses plongent.
Mercredi
7 novembre, l'indice Dow Jones à Wall Street a reculé de 2,64 %,
entraînant dans sa chute les principales places financières mondiales.
En Asie, les Bourses de Tokyo, Hongkong et Shanghaï ont décroché de
2,02 %, 3,19 % et 4,85 % jeudi. A Paris, le CAC 40 a ouvert, jeudi
matin, sur une baisse de 1,41 %, alors que la Bourse de Londres
affichait un recul de 1,28 %.
La morosité
sur les marchés dure depuis le déclenchement de la crise des
"subprimes" cet été. Les prix de ces crédits immobiliers américains à
risque a dégringolé du fait de la chute du marché du logement aux
Etats-Unis.
"EST-CE QUE LES BANQUES NOUS ONT TOUT DIT ?"
Certaines
banques, qui avaient dans leur portefeuille des titres liés aux
"subprimes", ont enregistré des pertes colossales. C'est le cas des
prestigieux établissements américains Merrill Lynch et Citigroup.
Mercredi
7 novembre, les craintes sur le système bancaire se sont aggravées
après l'annonce des pertes de la banque d'affaires américaine Morgan
Stanley. L'établissement a annoncé une réduction de 3,7 milliards de
dollars de son produit net bancaire (l'équivalent du chiffre d'affaires
pour les banques) sur les mois de septembre et octobre, et une
réduction de son bénéfice net de 2,5 milliards, à cause des "subprimes".
"Dès que les marchés oublient la crise, il y a une nouvelle annonce, et les craintes repartent de plus belle",
commente Jean-Louis Mourier, économiste chez Aurel Leven. Ce flot
ininterrompu de mauvaises nouvelles suscite une défiance extrême
vis-vis des banques. "Est-ce que les banques nous ont vraiment tout dit ?", s'interroge Alain Bokobza à la Société Générale.
Les
investisseurs soupçonnent que certains établissements aient camouflé
des pertes. Leurs soupçons se confirment. Depuis mercredi,
l'établissement de prêts hypothécaires américain Washington Mutual fait
l'objet d'une assignation par le procureur général de l'État de New
York. Ce dernier soupçonne cette caisse d'épargne d'avoir encouragé des
experts immobiliers à surévaluer la valeur de certains logements.
"DEVINER LA TAILLE DE LA PARTIE IMMERGÉE DE L'ICEBERG"
Et
à la fin de la semaine dernière, les investisseurs ont appris que le
gendarme de la bourse américain, la SEC (Securities and Exchange
commission), enquêtait sur les comptes de Merrill Lynch.
Ces turbulences rappellent à certains les scandales financiers d'Enron, ou de Vivendi au début des années 2000. "Nous vivons un peu le 2002 du système bancaire", compare déjà M. Mourier. "Le
vent de panique des marchés boursiers découle du fait que l'on commence
à deviner la taille de la partie immergée de l'iceberg de la crise des
subprimes", explique Paul Jorion économiste et chercheur à l'université de Californie.
La
crise dépasse le seul cadre des "subprimes". Tout le marché du crédit
est grippé. Et les investisseurs redoutent ses effets sur le reste de
l'économie. L'annonce de pertes abyssales du constructeur américain
Général Motors mercredi (39 milliards de dollars), bien que lié à une
charge comptable exceptionnelle, n'a fait qu'alimenter ces inquiétudes.
A cela s'ajoute une remontée des tensions inflationnistes. Or, "l'inflation est l'ennemie des actions",
commente un analyste. La hausse des prix est liée notamment à la
flambée des matières premières, et du pétrole en particulier. Mercredi,
le prix du baril à atteint 98 dollars à New York. Le seuil symbolique
des 100 dollars n'est donc plus très loin.
"LES ÉTATS-UNIS EXPORTENT LEURS PROBLÈMES"
Pourtant
la croissance américaine résiste. Le produit intérieur brut américain
progresse de 3,9 % au troisième trimestre et l'économie continue de
créer des emplois. En outre, la dégringolade du dollar, notamment face
à l'euro, est "une force de rappel", indique M. Bokobza.
Les
exportations américaines deviennent plus compétitives dans le commerce
mondial. Cette dépréciation du dollar pénalise en revanche la plupart
des entreprises de la zone euro. "Elle est indécente, juge M. Bokobza, les Etats-Unis exportent leurs problèmes".
L'effet
est d'autant plus pénalisant de ce côté-ci de l'Atlantique que la
Banque centrale européenne (BCE), qui doit se réunir aujourd'hui, ne
semble pas prête à donner un coup de pouce monétaire à la croissance
européenne.