IRA : le retour des CDS
Les CDS, ou Credit Default Swap, sont
des contrats d’assurance contre le risque de défaillance d’une
entreprise ou de la perte de valeur des obligations qu’elle a émise.
Dans ce cas, l’acheteur de l’assurance peut se retourner contre le
vendeur et réclamer le paiement de la valeur assurée.
Ce marché a connu une croissance
exponentielle durant ces dernières années, et les montants assurés
pourraient être de l’ordre de 20 000 milliards (si l’on prend pour
estimation la moitié du nominal déclaré, pour éviter la double
comptabilité des acheteurs et des vendeurs).
Deux raisons expliquent cette
croissance. D’une part les détenteurs d’un CDS peuvent par opportunité
rétrocéder l’assurance souscrite à un tiers, à un coût supérieur à
celui de l’acquisition, si la perception du risque associé à
l’entreprise émettrice d’obligation s’est accrue. Dans ce cas de
figure, le nombre de contrat peut se multiplier à chaque fois qu’une
vente supplémentaire est effectuée.
Mais il existe une autre raison à la
croissance du marché des CDS. C’est le fait que l’on puisse s’assurer
contre la perte de valeur d’une obligation sans pour autant la détenir.
De ce fait, les montants à rembourser en cas de défaillance peuvent
être bien supérieurs à la valeur totale du papier en circulation. En ce
sens, les CDS sont à même de démultiplier le risque et les pertes
associées.
Deux vues très tranchées existent quant
à ces contrats. Pour les uns, le système est sain et fiable, et pour
les autres il s’agit d’une bombe à retardement.
Les premiers affirment que les vendeurs
d’assurance sont parfaitement à même de remplir leurs obligations. Ils
citent l’exemple de la liquidation des CDS sur les obligations de
Lehman, où les sommes qui ont changé de mains sont restées relativement
modestes.
Ceci s’explique, disent-ils, par le
fait que les vendeurs d’assurance sont tenus d’immobiliser les sommes
potentiellement dues en cas de faillite, appelées collatéraux, au fur
et à mesure de détérioration de la valeur des obligations assurées.
Les seconds estiment au contraire que les collatéraux immobilisés ne représentent qu’une petite partie
des sommes qui seront dues, et que de nombreux établissement n’ont pas
participé au processus de liquidation organisé par la chambre de
compensation de ces contrats. Ils affirment également que de nombreux
vendeurs ne seront pas capables de faire face à leurs obligations.
Il s’agit là d’une évidence, pour deux
raisons. Premièrement, car tous les établissements qui ont émis ce
genre de contrats, sans aucune régulation, il faut le rappeler, puisque
ce sont des contrats de gré à gré, sont loins d’avoir les reins assez
solide pour éponger les pertes. Yves Smith a rapporté
un cas d’école en la matière, relatant comment UBS avait assuré pour
1,3 milliards de CDO auprès d’une entité créée à sa demande pour
l’occasion et ne disposant en tout et pour tout que de... 4,6 millions
de capital.
Deuxièmement parce que certains garants de CDS sont en fait des investisseurs privés qui ignorent
le piège dans lequel ils sont tombés en achetant des parts dans les CDO
synthétiques. Ces produits sont des instruments complexes, basés sur
des paquets d’obligations pour lesquelles ce sont les investisseurs qui
doivent assumer les pertes éventuelles, via des CDS qui font partie du
montage.
L’avenir départagera les deux camps.
Mais des voix de plus en plus nombreuses dénoncent le danger que font
peser les CDS sur un secteur déjà affaibli, avec la multiplication
prévisible des faillites d’entreprises dans les mois qui viennent qui
déclenchera à coup sûr de nombreux paiements pour les vendeurs
d’assurances. Selon l’ISDA, les collatéraux mobilisés sur ces contrats
au niveau mondial atteindraient aujourd’hui 2 000 milliards de dollars, c’est dire l’ampleur des sommes en jeu.
Dans le texte qui suit, Chris Whalen
expose les dangers du système et indique que selon ses sources
plusieurs banques européennes, dont 2 françaises, feraient face à des
difficultés pour honorer leurs engagements sur les CDS qu’elles ont
créés.
Du même avis, John Dizard écrit dans le Financial Times que « l’ensemble du marché des CDS devrait être liquidé. »