François Hollande tiendra-t-il sa promesse, déjà quelque peu égratignée, de fermer la centrale de Fessenheim, désormais conditionnée au lancement de l'EPR de Flamanville? Les doutes s'intensifient après le report par EDF du démarrage de ce réacteur de nouvelle génération à 2017, en pleine campagne présidentielle.
«Dans la mesure où, en l'absence de volonté politique de la part du gouvernement, l'arrêt de Fessenheim n'est plus tributaire que de l'entrée en service de l'EPR Flamanville (...), ne faut-il pas craindre un énième report de la fermeture de la doyenne des centrales, voire son abandon?», s'inquiète le réseau anti-nucléaire «Sortir du nucléaire».
Le projet de loi de transition énergétique, un des projets phares du quinquennat, prévoit de plafonner la capacité nucléaire de la France à son niveau actuel de 63,2 gigawatts, ce qui implique mécaniquement de devoir fermer des réacteurs pour compenser la mise en service de l'EPR de Flamanville (Manche), plusieurs fois retardée jusqu'en 2016.
«En toute transparence, il y aura deux réacteurs qui fermeront quand deux réacteurs nouveaux vont s'ouvrir», a rappelé à plusieurs reprises la ministre de l'Ecologie et de l'Energie, Ségolène Royal, soulignant que Fessenheim ne fermerait «pas forcément».
Le cas de Fessenheim n'est pas abordé dans le projet de loi, et le gouvernement n'exclut désormais plus d'arrêter d'autres installations à la place des deux réacteurs de la doyenne des centrales, comme s'y était pourtant engagé le président de la République.
Mais avec un démarrage de l'EPR décalé d'un an, certains ne cachent pas leur crainte de voir cette fermeture à son tour reportée ou pire, abandonnée sous la pression électorale.
«L'Etat semble perdre l'opportunité qu'il pouvait se créer de fermer deux réacteurs. Là, on semble être en dehors des clous vis-à-vis du mandat de François Hollande», estime Cyrille Cormier, chargé de campagne Energie et Climat à Greenpeace France.
L'ONG redoute ainsi qu'en conséquence, «on n'ait plus rien des promesses présidentielles de 2012»: sans fermeture de réacteurs dès à présent, impossible selon elle de respecter l'objectif du projet de loi de ramener de 75 à 50% la part de l'atome dans la production électrique de la France.
- Le gouvernement rassure -
Analyste chez Saxo Banque, Christopher Dembik confirme. «Avec l'échéance électorale de 2017, la fermeture des deux réacteurs est de mon point de vue très clairement remise aux calendes grecques.»
Mais ce n'est pas une surprise, selon lui: le marché s'attendait déjà à un nouveau retard à Flamanville et le gouvernement n'a pas nécessairement intérêt à précipiter le dossier «politiquement très difficile» de Fessenheim, dont le coût de fermeture suscite la polémique. «Faire durer, cela paraît le plus pertinent à l'heure actuelle. On repousse à l'après-présidentielle, donc on ne prend aucun risque.»
Du côté du ministère de l'Ecologie et de l'Energie, on se veut rassurant.
«La ministre a demandé à l'entreprise et aux services du ministère de travailler sur les causes et les conséquences de ce retard. Mais cette situation ne change rien aux principes affirmés dans la loi de transition énergétique», assure-t-on. «Il y aura bien la fermeture de deux réacteurs pour pouvoir ouvrir le réacteur de Flamanville», d'une puissance supérieure.
«Les modalités de fermeture et de mise en service des centrales sont des processus assez longs. Une centrale nucléaire ne s’arrête pas comme ça», souligne-t-on toutefois.
Le ministère rappelle qu'une décision sera prise après proposition de l'exploitant des centrales EDF, public à 84,5%, sur les installations les plus opportunes de fermer.
M. Dembik n'y croit guère. L'échéance d'une fermeture en 2016, comme annoncée jusqu'ici, était déjà en soi «irréaliste», selon lui: «En termes de capacités énergétiques, ce serait beaucoup trop précipité.»