Affaibli par l'immobilier, le dollar baisse encore
'euro a une nouvelle fois établi un record historique depuis son lancement en 1999, cotant 1,3845 dollar lundi 23 juillet. Le billet vert ne cesse de baisser face à l'ensemble des grandes devises sur le marché des changes. Le sterling s'est inscrit au plus haut depuis mai 1981 à 2,0603 dollars, le dollar néo-zélandais à son meilleur taux depuis 1985 à 0,8034 dollar et le yen à son plus haut niveau depuis mai, à 120,42 yens pour un dollar.
Mais plus encore que le niveau des taux d'intérêt, ce sont surtout les tensions sur le marché des prêts hypothécaires aux Etats-Unis qui pèsent sur la devise américaine. De nombreux ménages américains, qui s'étaient endettés pour acheter un logement, commencent à avoir des difficultés à faire face à leurs échéances avec la baisse du marché de l'immobilier.
Du fait de la sophistication des mécanismes financiers, ces prêts, originellement inscrits dans le bilan des banques, avaient été restructurés sous forme d'actifs financiers à forte rémunération et revendus à des investisseurs. Beaucoup de fonds de gestion spéculatifs en ont acheté et supportent aujourd'hui le risque final. Or, les agences américaines de notation ont mis en garde ces investisseurs, il y a une semaine, en les prévenant des difficultés qu'ils pourraient rencontrer pour récupérer leur mise sur ces actifs, contribuant par leur analyse à faire chuter les cours.
Dernièrement, le groupe américain Bear Stearns a annoncé que deux de ses fonds d'investissement, qui avaient largement acheté des actifs de cette nature, ne valaient plus rien. Et de nombreuses banques américaines ont augmenté le montant de leurs provisions pour faire face aux risques. JPMorgan Chase, par exemple, a indiqué, le 18 juillet, avoir multiplié par trois le montant des provisions pour pertes sur créances dans le secteur du logement. Par effet de contagion, l'accès au marché du crédit (obligations structurées, emprunts d'entreprise, emprunts destinés à refinancer les rachats d'entreprise...) est devenu de plus en plus coûteux en raison de la montée des risques et de la prudence des investisseurs.
Ces derniers craignent désormais d'apprendre de nouvelles pertes - qui pour le moment sont estimées entre 50 et 100 milliards de dollars -, ce qui mine le billet vert de manière généralisée. "L'indice pondéré par les échanges commerciaux du dollar face à six devises a atteint son plus bas depuis 1992, ce qui pourrait commencer à inquiéter le Trésor américain et la Banque centrale", fait remarquer Ashraf Laidi, stratège sur les devises chez CMC Markets. Interrogé lors de son audition semestrielle au Congrès, le 18 juillet, le président de la Fed, Ben Bernanke, a déclaré qu'il ne faisait pas de commentaires sur le taux de change dont la responsabilité revenait au Trésor. Il a néanmoins précisé qu'il ne s'attendait pas à une crise du dollar similaire à celle intervenue en 1979 et 1980.
Bon nombre d'économistes prévoient aujourd'hui une poursuite de l'affaiblissement progressif du billet vert jusqu'à 1,40 pour un euro, voire plus. Selon M. Laidi, "le rythme de progression de l'euro ouvre la voie à un euro à 1,42 dollar d'ici à la fin du mois de septembre". Les experts de BNP Paribas viennent aussi de relever leur prévision pour l'euro de 1,40 dollar à 1,42. Les spéculateurs sur le marché du change parient sur cette tendance. Les analystes de la Société générale ont noté que les fonds spéculatifs (hedge funds) avaient dernièrement massivement investi pour profiter d'un accès de faiblesse de la devise américaine.
Nul doute que la progression récente des devises attisera le différend franco-européen au sujet de l'euro fort. La France est jusqu'à présent isolée face à ses partenaires européens et à la BCE en jugeant la monnaie européenne surévaluée et néfaste à l'économie. Le secrétaire d'Etat français au commerce extérieur, Hervé Novelli, a rappelé, lundi, à Bruxelles, que l'"appréciation (de l'euro était) trop importante par rapport aux monnaies chinoise et américaine", précisant que la France n'était pas "indifférente aux difficultés éventuelles qu'un euro trop fort ferait peser sur les exportations".
Cécile Prudhomme
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