Le marché monétaire des billets de trésorie, aussi dénommés « papier commercial, » s’apprête a vivre une semaine très tendue. Près de 100 milliards d’Euros de ces emprunts à court terme vont parvenir à échéance de remboursement entre le 11 et le 19 septembre. Mais le marché monétaire est rongé par le doute, et les investisseurs peu enclins à renouveler leurs prêts à des institutions financières dont la santé pourrait être compromise par les défaillances des subprimes. Les grandes banques commencent elles aussi à souffrir de cette suspicion généralisée.
Mise à jour 13:30
Les marchés interbancaires, sur lequel les grandes banques se prêtent mutuellement des fonds de trésorerie, sont extrêmement tendus depuis quelques semaines, malgré les interventions répétées des Banques Centrales.
Les banques accumulent des réserves, et montrent beaucoup de mauvaise volonté à les prêter à leurs homologues, ou réclament pour ce faire des taux d’intérêts nettement supérieurs à ceux du marché.
Même les plus grands établissements ne sont pas épargnés. Fin septembre, la Barclays, troisième banque britannique, a ainsi du faire appel en urgence à la Banque d’Angleterre pour obtenir 1,6 milliards de livres.
La raison de cette méfiance porte un nom : Papier commercial.
Près de cent milliards d’euros de ces emprunts à court terme arrivent à échéance de remboursement cette semaine, et les banques craignent de devoir sortir de leurs coffres ces sommes considérables.
« Les banques amassent du cash, » déclare David Brickman directeur de la stratégie pour le crédit chez Lehman Brothers. « Nous pensons qu’elle le font à cause du papier commercial. Ces marchés ne fonctionnent pas normalement, certaines dettes sont déjà apparues sur les bilans des banques et plus encore vont suivre. Nous estimons qu’entre le 11 et le 19 septembre 68,5 milliards de livres seront à renouveler, y compris les échéances à un mois et à quatre mois. C’est pourquoi les banques accumulent du liquide. »
Le marché du papier commercial fournit aux entreprises et aux investisseurs la possibilité de placer à court terme des liquidités, en bénéficiant d’une rémunération supérieure à celle offerte par les banques. Les institutions financières qui émettent ces obligations investissent l’argent déposé à long terme, avec un rendement supérieur à celui qu’elles versent à leurs clients, et se financent grâce à la différence des taux d’intérêts appliqués.
En temps normal, lorsque ces billets à court terme arrivent à échéance, ils sont soit renouvelés, soit remboursés en émettant de nouveaux emprunts, en un roulement perpétuel de trésorerie.
Mais depuis le mois d’août et le début de la crise des subprime, les investisseurs n’ont plus confiance dans les obligations émises par ce type d’établissements. A la différence des banques, les fonds d’investissements intervenant sur ce marché ne sont contraints à aucun dépôt de réserve et ne bénéficient pas de l’entière garantie de la place en cas de défaillance. De plus, ils ont dans leurs portefeuilles d’investissement à long terme des titres de CDO adossés à des emprunts hypothécaires, désormais objet de toutes les suspicions.
En quoi cela concerne-t-il les banques ? Tout simplement parce que ce sont elles qui ont créé bon nombre de fonds d’investissements de ce type, nommés « conduits » ou « Structured Investment Vehicle », qu’elles en sont souvent propriétaires, et se sont engagées à couvrir une partie de leurs besoins en trésorerie.
Si les SIV ne trouvent pas preneurs pour leur papier commercial, ils se retourneront alors vers les banques qui pourraient avoir à débourser des sommes considérables.
Le 17 septembre, ce sont pas moins de 33 milliards d’euros qui devront être trouvés. Et les 100 milliards à renouveler en une semaine représentent une somme équivalente à l’ensemble des transactions de ce marché durant tout le mois d’août.
Selon Bloomberg, sur ce total, plus 40 milliards d’euros ont été émis par les « conduits », adossés aux banques, et le reste par des établissement dépourvus de cette garantie.
La confiance accordée aux grandes banques remise en cause
Les grandes banques américaines sont elles aussi victimes de cette méfiance généralisée qui s’est installée sur les marchés financiers et leurs obligations ne trouvent preneur qu’à un condition d’offir une rémunération du risque bien supérieure à ce que leur réputation pourrait laisser supposer.
Ainsi, Lehman Brothers a du offrir pour pouvoir emprunter un taux d’intérêt sur des obligations à 10 ans plus élevé que celui des bons du trésor de la Colombie, ravagée par la guerre civile.
Les prêteurs considèrent que les grands établissements financiers sont aussi peu sûrs que les emprunts subprime, note l’agence Bloomberg, qui juge qu’il s’agit d’un « scénario de cauchemar pour les dirigeants du secteur financier qui comptaient sur des emprunts à bon marché » pour financer leurs opérations.
Les cinq plus grands établissements américains , Morgan Stanley, Merrill Lynch & Co., Lehman and Bear Stearns, vont devoir honorer à hauteur de 75 milliards de dollars leurs engagements dans des opérations de LBO qui ne trouvent plus preneurs.
Lorsque Bear Sterns a levé 2,25 milliards de dollars en août, en émettant des obligations à 5 ans, elle a du offrir 2,45% de rémunération supplémentaire par rapport aux bons du Trésor de même durée, c’est à dire quatre fois plus que lorsque la dernière opération du même type en janvier.
Le 30 août, Goldman a payé 1,67% de surprime sur un emprunt à 10 ans de 2,5 milliards.
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