LE MONDE | 26.09.07
Pour expliquer cette explosion des montants, la BRI, qu'on surnomme aussi la banque centrale des banques centrales, met en avant l'essor de nouveaux acteurs des marchés financiers, en particulier les hedge funds, ces fonds spéculatifs, essentiellement originaires des pays anglo-saxons, qui gèrent de façon dynamique et à très court terme les capitaux que leur confient leurs clients.
"La tendance des investisseurs institutionnels disposant d'un horizon de placement à plus long terme à détenir des portefeuilles plus internationalisés pourrait aussi avoir joué", ajoute la BRI. De fait, les compagnies d'assurances ou les caisses de retraite, qui se contentaient de placements plutôt nationaux, n'hésitent plus désormais à placer leur argent au-delà des frontières, ce qui les oblige à réaliser des conversions de devises. Certains n'hésitent pas à jouer sur les écarts de taux entre pays, empruntant dans des devises comme le yen ou le franc suisse où les taux d'intérêt sont très bas pour les replacer dans des pays où ils sont plus élevés.
"Le développement des techniques sophistiquées de trading, notamment celles faisant intervenir des outils mathématiques complexes, pourrait aussi avoir favorisé les transactions sur le marché des changes", souligne la BRI.
La publication de cette étude, intervenant en pleine crise financière, a de quoi nourrir les critiques contre l'importance démesurée prise aujourd'hui par les marchés de capitaux et par la déconnexion croissante entre la sphère financière et la sphère économique réelle. Le volume quotidien de 3 200 milliards de dollars de transactions sur le marché des changes représente plusieurs centaines de fois celui des échanges commerciaux véritables.
NOUVEAUX INSTRUMENTS FINANCIERS
Les professionnels de marché tiennent toutefois à relativiser ce décalage. Ils soulignent que l'importance des volumes, essentiellement entre banques, est le garant de la liquidité du marché, c'est-à-dire la possibilité pour tout acteur (gestionnaire, entreprise, etc.) de pouvoir acheter ou vendre une devise au prix désiré. Ils observent aussi que le boom des transactions sur le marché des changes est lié au développement de nouveaux instruments financiers dits dérivés permettant aux entreprises de se protéger contre les fluctuations des devises.
C'est ainsi que, selon la BRI, le montant quotidien des opérations de gré à gré sur produits dérivés est passé de 1 220 milliards de dollars en 2004 à 2 100 milliards en 2007. Il a été multiplié par près de six en neuf ans !
Le dollar reste de loin la plus importante devise sur le marché des changes, même si elle a perdu 2,4 points de pourcentage en trois ans. Il figure dans 86,3 % des opérations. Chaque monnaie est forcément comptabilisée en double car deux devises sont impliquées dans une transaction.
L'euro, pour sa part, est resté quasiment stable (- 0,2 point) à 37 %, tandis que le yen a baissé de 3,8 points à 16,5 %. La BRI relève aussi que le dollar hongkongais a été beaucoup négocié, "probablement du fait des liens entre Hongkong et la Chine". "Quoi qu'il en soit, relève la BRI, la part de marché des devises des pays émergents sur le marché des changes a augmenté. Elles sont impliquées dans près de 20 % des transactions en avril 2007."
Du côté des places financières, la City de Londres conserve et accentue même sa position de numéro un sur le marché mondial des changes avec 34,1 % de part de marché contre 31,3 % en 2004. Viennent ensuite les Etats-Unis (16,6 %), la Suisse (6,1 %), le Japon (6 %) et Singapour (5,8 %). La France arrive en huitième position avec 3 %.
Pierre-Antoine Delhommais avec Cécile Prudhomme
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