8 juin 2009 18:25
La Lettonie s’en défend énergiquement, mais elle pourrait être
contrainte à la dévaluation dans les jours ou les semaines qui
viennent. Simon Johnson voit dans le sort difficile de cette petite
nation fortement endettée en devises étrangères un modèle réduit de la
situation qui prévaut à l’heure actuelle en occident, où la seule
préoccupation semble être de protéger les créanciers, avec l’argent du
public, et au détriment des contribuables, auxquels la facture sera
représentée le jour venu. Quelques remarques. Présenté comme
indispensable - il l’était effectivement, à court terme - le soutien au
système bancaire a ensuite été étendu aux créanciers, franchissant
allègrement le rubicon qui aurait dû séparer l’assistance en phase
d’illiquidité à la prise en charge de l’insolvabilité. Ce faisant, la
question centrale a été évacuée, pour l’instant. Que sont ces fameux
actifs douteux ? Des créances sur des biens surévalués. De soi-disant
« investissements », improductifs, stériles, qui n’ont donné le change
que parce que la bulle d’actifs alimentée par les flux de liquidités
mondiaux soutenait leur valeur et permettait un effet de levier bâti
sur du vent. En la matière, il n’y a pas de jeu à somme nulle. La
richesse qui a été follement consacrée à cet usage est perdue. Le
reconnaître est difficile, nul besoin d’insister, tant pour les
détenteurs de créances que pour les emprunteurs. Difficile pour les
cotisants des fonds de pension, dont les revenus sont compromis, tout
comme pour les emprunteurs, endettés à hauteur de deux ou trois fois la
valeur réelle d’un bien. Le poids des enjeux, la complaisance envers le
système bancaire et la puissance de feu des possédants fait que le
quitus réciproque qui devrait pourtant s’imposer pour dénouer la
situation ne voit pas le jour. L’évaluation de la valeur résiduelle de
ces contrats est l’occasion d’un bras de fer, d’une lutte de pouvoir.
Maintenir la valeur des créances dans un environnement déflaté et de
ralentissement d’activité revient à appauvrir les débiteurs du montant
de la surévaluation. Transférer le poids de cette dette du privé vers
la collectivité, ou garantir la valeur des actifs pourris via le
soutien accordé aux établissements qui les portent, aboutit à repousser
les échéances et à les faire peser sur la majorité au bénéfice d’une
minorité. Ces expédients sont non seulement profondément injustes -
faut-il rappeler l’apologie de la prise de risque justifiant les
rémunérations à laquelle nous avons été soumis ces dernières années ? -
mais ce sont aussi de fausses solutions. Continuer d’exiger des
remboursements au delà de la valeur résiduelle réelle aura pour effet
de ponctionner les richesses produites vers des usages improductifs et
spéculatifs, aussi longtemps que les dettes ne seront pas apurées,
préalable pour que la demande de consommation et d’investissement
réémergent de cette purge, et cette ponction retardera d’autant ce
processus. De plus, vouloir maintenir la fixité d’un prix en le
subventionnant coûte que coûte quand les conditions d’échanges ne sont
plus - et de loin - les mêmes, peut conduire à des décompressions
sauvages. Imprimer de la monnaie ou endetter les Etats afin de masquer
et d’échelonner les pertes subies par les créances privées, c’est
prendre le risque que la mauvaise monnaie contamine la bonne, et
provoque le naufrage de l’ultime vaisseau de secours.