Entretien avec Bernard Le Marois, directeur général de Wineandco, leader européen de la vente en ligne de vin | LE MONDE ECONOMIE
Le site de commerce de vins par Internet Wineandco est devenu le numéro un de ce secteur. Avec 10 millions de chiffre d'affaires enregistré pour l'exercice 2010-2011, le site, créé en 1999, ravit pour la première fois cette position de leader à son grand rival, 1855.
Bernard Le Marois, directeur général de Wineandco, détaille les stratégies déployées pour asseoir la solidité de l'entreprise.
La problématique des sites de commerce en ligne est de trouver un modèle économique viable. De quelle façon votre société a atteint la rentabilité ?
Bernard Le Marois: Nous avions déjà été rentables il y a quatre ans. Mais là, nous sommes clairement entrés dans une spirale de profitabilité. L'économie du commerce de vin en ligne repose sur quatre points essentiels : les achats, le marketing, l'informatique et la logistique.
A partir du moment où la société atteint une certaine taille, on peut optimiser les achats et l'organisation du travail. Sans une bonne logistique, il est facile de perdre de l'argent. Nous l'avons bien compris, et le fait d'avoir atteint un chiffre d'affaires plus important - 10 millions d'euros - nous permet d'acquérir un très bon vin à un très bon prix.
Acheter son vin sur Internet serait donc vraiment plus économique ?
Les prix que nous pratiquons sont en moyenne 30 % moins cher que chez un caviste. Et c'est logique : nous vendons en effet environ 700 000 bouteilles par an, nous achetons donc de gros volumes, et mécaniquement, nous négocions de meilleurs prix avec nos 500 viticulteurs.
Notre stratégie repose d'ailleurs sur une excellente relation avec le producteur.
Nous ne sommes pas dans un rapport d'industriel à distributeur. C'est ce qui explique que nous soyons méticuleux dans nos choix.
Nous allons à la rencontre des viticulteurs, nous dialoguons avec eux, puis nous procédons à une dégustation à l'aveugle. Il faut savoir que sur quinze vins, nous n'en retenons qu'un. Cela ne veut pas dire que les vins qui n'ont pas été sélectionnés ne sont pas bons, mais que nous estimons qu'ils plairont moins à notre clientèle.
Et quels sont les goûts et les habitudes d'achat de votre "client type" ?
Il a entre 35 et 40 ans, il est cadre supérieur, travaille à la Défense. Il apprécie le vin mais n'en boit pas la semaine. En revanche, il aime avoir une bonne bouteille à table le week-end. Cela implique que notre client va faire un effort pour effectuer des recherches et trouver un vin qui l'intéresse.
Il peut à la fois acheter un petit bordeaux à 5 euros et un château-d'yquem à 200 euros. Cet écart-type en termes de prix et de région ne le gêne pas. Il va tester un bordeaux, un languedoc, puis un vin espagnol. C'est symptomatique de cette génération, contrairement à la précédente qui restait fidèle à une gamme de prix et à une région.
Votre cible est donc un homme. Pourtant le secteur du vin est en train de se féminiser, tout comme sa clientèle...
Les femmes s'intéressent effectivement de plus en plus au vin, et sont aussi décisionnaires en termes d'achat. Nous avons donc développé un marketing spécifique pour les femmes.
Nous savons par exemple qu'elles aiment les vins rosés ; les conseils qu'elles recherchent sont davantage axés sur la cuisine, le goût. Elles sont moins dans la recherche technique de l'appellation et du millésime.
Nous déployons donc des actions spécifiques sur le site pour atteindre cette cible, mais c'est un travail de longue haleine et notre communication est encore perfectible.
Votre principal concurrent, la société 1855, vient de racheter ChâteauOnline. Est-ce que ce rapprochement a grignoté des parts de marché à Wineandco ? Et aviez-vous envisagé d'acquérir cette entreprise ?
La stratégie de croissance à grands coups de rachat ne semble pas appropriée pour Wineandco.
L'évolution forte de ces dernières années repose sur un plan de croissance interne. Il existe environ 500 sites de commerce de vins en ligne. Par site, j'entends à la fois les pure players, comme nous - exclusivement sur le Web -, les cavistes qui développent un accès Internet, et les producteurs qui implémentent des modules d'e-commerce très légers sur leurs sites.
Mais Wineandco aime la concurrence. Aujourd'hui, la part des achats sur la Toile dans la gamme supérieure à 7 euros représente de 10 % à 15 % de l'achat total.
Par conséquent, il existe une marge de manoeuvre énorme pour gagner encore plus de parts de marché. Et en ce sens, la concurrence est saine. Elle favorise l'émulation et donne envie aux clients d'acheter du vin sur Internet.
Lors des foires aux vins, les prix proposés sont parfois attractifs. Votre clientèle pourrait privilégier pour ses achats un supermarché qui organise ce genre de manifestation...
Sur notre site, la période de la foire aux vins représente deux fois le chiffre d'affaires d'un mois "normal". Mais bien entendu, nous faisons moins de marge à ce moment là car nous sommes très agressifs sur les prix.
Tout un travail est fait en amont pour préparer la foire, presque six mois à l'avance. Le plus important est de prévoir la bonne quantité de vin pour ne pas se trouver en rupture.