Le poker menteur de l’après subprime", par Thierry Gandillot (Challenges)
Challenges.fr | 02.10.2007 | 15:51LE
Dow Jones a repassé, le 1er octobre, la barre des 14.000 points pour la
première fois depuis le 19 juillet, début de la crise des suprimes. Les
marchés semblent retrouver la confiance, mais les incertitudes
demeurent …
On a le sentiment d’assister à une formidable partie de poker menteur
avec à la clef des milliards de dollars brassés sur le tapis vert. Le
1er octobre, à quelques milliers de kilomètre et quelques fuseaux
horaires de distance, on a pu relever trois déclarations sensiblement
différentes. Que l’on pourrait déclamer à la manière de la tirade du
nez de Cyrano de Bergerac.
Rassurant. Dominique Strauss-Kahn, le nouveau directeur général du FMI: "La crise des subprimes n’aura pas d’effets dramatiques sur la croissance".
Inquiétant. René Carron, le Président du Crédit Agricole: "Il serait peu sérieux d’affirmer que cette crise touche à sa fin".
Voici pour les lettres. Passons aux chiffres. Les résultats en provenance des banques sont loin d’être rassurants.
La banque américaine Citygroup annonce un recul de 60% de ses résultats
au troisième trimestre. "Une claire déception" selon ses dirigeants,
mais qui ne pourrait s’avérer, à terme, n’être qu’une "aberration".
Certains analystes se rassurent en évoquant la possibilité que UBS ait
chargé la barque au troisième trimestre pour revenir en force, une fois
les comptes épurés. Croisons les doigts. Pour l’instant, notons que la
dite "aberration" se traduit par 1,4 milliards de dollars passés par
perte et profits sur le portefeuille de crédits accordés aux fonds
d’investissement; 1,3 sur le portefeuille de crédits hypothécaires à
risque; et 600 millions pour les activités de marché.
La banque suisse UBS envisage une perte entre 600 et 800 millions de francs suisses au troisième trimestre et 1500 emplois supprimés dans la banque d’investissement. Sa consoeur helvète Crédit Suisse prévient, dans une formule très alambiquée, qu’elle est dans le flou. Citons ce morceau d’anthologie: "Crédit Suisse n’a aucune indication selon laquelle le bénéfice net des activités continuées pour le troisième trimestre devraient sortir d’une fourchette de plus ou moins 20% de 1,3 milliards de francs suisses". Ce qui laisse néanmoins un confortable profit.
Des rumeurs sur la Deutsche Bank, évoquent des pertes au troisième trimestre allant jusqu’à 1,7 milliards d’euros. Dans le même temps, un vaste recomposition des banques régionales publiques allemandes prend forme. La bavaroise Bayern LB devrait se rapprocher de LBWW (Bade-Wurtemberg). Et WestLB, banque régionale de Rhénanie du Nord-Westphalie, pourrait s’inviter à la noce, un jour ou l’autre.
En Angleterre, Northern Rock dont la capitalisation boursière s’est
effondrée malgré les milliards de livres injecté par la Banque
d’Angleterre, pourrait être reprise par des fonds d’investissement.
Et les banques françaises? Pour l’instant RAS. Un peu comme le nuage de
Tchernobyl, la tempête subprime semble s’être arrêtée à nos frontières,
comme à celles de l’Espagne et de l’Italie. Mais à la différence de
l’insaisissable nuage nucléaire, la vérité des engagements français
apparaîtrait rapidement dans les comptes. En espérant que les banquiers
hexagonaux n’aient pas usé de trop de faux nez.
par Thierry Gandillot, rédacteur en chef adjoint à Challenges, mardi 2 octobre.
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