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17 novembre 2011 12:20
Les pays européens « sont déjà confrontés à une récession de bilan, et lorsque le gouvernement veut se désendetter au même moment, la situation économique va tout simplement de pire en pire. » Richard Koo, chef économiste du Nomura Research Institute, a longuement étudié la séquence déflationniste Japonaise et ce qu’il appelle les « récessions de bilan ». Il rappelle ici une caractéristique fondamentale des crises post-surendettement : durant de longues années, le secteur privé, qui s’est trop lourdement chargé de crédits durant la phase ascendante des bulles spéculatives immobilières et boursières, se voit contraint de réduire son niveau d’endettement - de restaurer son bilan - en réduisant sa consommation et donc le niveau d’activité. Durant ces phases récessives où l’initiative privée défaille, le seul acteur qui peut soutenir l’activité, c’est l’Etat, soit directement par la politique budgétaire, soit par son bras armé la banque centrale, avec la politique monétaire. Dans les deux cas, ces interventions permettent un dégonflement maitrisé de la dette : comptablement, le solde des échanges entre privé et public est un jeu à somme nulle, ce qui signifie qu’un solde budgétaire déficitaire se traduit par un excédent de revenu du secteur privé (un revenu induit par la dépense de l’Etat supérieur à l’impôt prélevé), lui permettant de se désendetter. A l’inverse, une politique de rigueur - c’est-à-dire un solde excédentaire de l’Etat - implique un déficit du secteur privé (des revenus nés de la dépense de l’Etat qui sont inférieurs au prélèvement de l’impôt). On peut certes considérer qu’il s’agit là d’un tour de passe-passe comptable, qui revient en fait à recycler la dette privée en dette publique, avec au passage une dilution amnistiante des créances et des échéances. C’est pourtant une des rare solutions - avec l’inflation, qui serait fort utile, mais ne se décrète pas en période d’encéphalogramme plat - permettant d’éviter d’avoir à choisir entre une longue phase récessive ou un dégonflement sauvage de l’endettement, sous la forme d’une cascade de faillites qui désorganisent les systèmes économiques et se terminent en dépression. Car, individuellement, les acteurs privés sont incapables de se dépêtrer de l’entrelacs de créances et de dettes qu’ils ont tissé en tirant des traites impayables sur l’avenir, compromettant du même coup la fonction monétaire et le rôle de levier du crédit. Seul l’Etat, en collaboration avec l’institution d’émission de la monnaie, peut organiser une transition qui soit crédible. Notons que pour ce faire, il bénéficie aussi du concours involontaire du secteur privé : en période de trappe à liquidité, lorsque les « esprits animaux » que l’on prête aux entrepreneurs sont ceux d’une volaille grégaire et apeurée, la dette souveraine - adossée à la banque centrale - offre une valeur refuge, un abri transitoire, aux capitaux en déshérence, comme le prouvent abondamment les exemples américain, britannique et surtout japonais, où les taux restent minimaux malgré une dette publique équivalant 200% du PIB. L’Europe paie aujourd’hui le prix de ne pas avoir pris la mesure de cette réalité, en s’étant interdit les déficits publics et en se privant de la ressource de la monétisation. Une dernière remarque. Koo préconise de « reboucler le circuit » par une « renationalisation » des dettes publiques, c’est-à-dire de n’autoriser la souscription des émissions qu’aux seuls résidents. Cela rendrait une autonomie de décision aux gouvernements et limiterait les tensions spéculatives, estime-t-il. Mais, à l’inverse d’un Martin Wolf, il ne mentionne pas la question fondamentale des soldes intra européens, qui restent le non dit majeur de cette séquence. Nous y reviendrons sous peu. Contre Info.