19 mars 2009 11:53
Diantre ! Hier, Thomas Friedman nous annonçait que 2008 était l’année
du « Grand Bouleversement », celle où le modèle écologiquement
insoutenable d’économie productiviste et consumériste s’était effondré,
et voici qu’aujourd’hui Paul prononce l’acte de décès du capitalisme,
provoqué par la décision de la Fed de monétiser la dette américaine...
Pour comprendre de quoi il s’agit, un petit rappel des faits est sans
doute nécessaire. Collectivement, les autorités politiques et
monétaires du monde entier sont confrontées à une double difficulté. La
première, c’est d’accompagner la liquidation en bon ordre - autant que
faire se peut - de la masse de créances aujourd’hui douteuses ou sans
valeur qui s’est accumulée durant la phase de gonflement de la bulle du
crédit, entre 2000 et 2007, à hauteur de « quelques » milliers de
milliards de dollars. La seconde, c’est de relancer une activité
économique menacée par la prolongation de la très dangereuse chute
libre depuis deux mois de la production industrielle et du commerce
international. Le sauvetage de la finance a déjà nécessité l’engagement
sous forme de garanties, de facilité de crédit ou de recapitalisations
de plusieurs centaines de milliards, auxquels viennent s’ajouter le
coût des plans de relance - dont les Etats ne disposent évidemment pas,
et qu’ils doivent financer par la dette. Pour ce qui est de la lutte
contre le ralentissement de l’activité, en temps normal la réponse
consisterait, outre les plans de relance, en une baisse des taux
directeurs. La « règle de taylor », utilisée par les banquiers
centraux, permet de calculer de combien de points ceux-ci doivent
baisser, en fonction de ce que dans le jargon on appelle « l’output
gap », c’est à dire la différence entre la capacité de production de
l’économie et de son activité réelle. Aux USA, l’application de cette
règle impliquerait une baisse des taux supérieure à 5%... Problème,
ceux-ci avoisinent déjà le zéro pourcent - à l’exception notable de la
BCE. Et les taux négatifs, comme les fourmis de 18 mètres, ça n’existe
pas. Si la relance par les taux - c’est à dire le crédit - ne
fonctionne pas, comment irriguer l’économie pour la faire redémarrer ?
Tout simplement - si l’on ose dire - en distribuant de l’argent. Nous
allons donc voir décoller les fameux « hélicoptères ».. Le gouvernement
japonais en a déjà décidé ainsi, et devrait allouer 150 dollars à
chaque citoyen. Mais la méthode la plus couramment utilisée consiste à
racheter des créances, avec de l’argent créé pour l’occasion. Et c’est
là qu’intervient la monétisation. Puisque les Etats doivent s’endetter,
c’est à dire émettre des bons du Trésor, et que les banques centrales
doivent injecter de l’argent dans l’économie, marions les ! La Fed,
comme la Banque d’Angleterre et celle du Japon, va donc acheter des
bons du Trésor de son gouvernement avec de l’argent qui n’existe pas,
et les « apparences » seront sauves. Le sont-elles vraiment ? La
réponse, évidemment, est non. Cet apport de papier monnaie équivaut à
une dévaluation de fait, qui ne peut dans l’immédiat être tolérée que
parce que tous les Etats étant dans la même situation calamiteuse et
devant recourir aux mêmes expédients, personne ne peut s’en offusquer.
Personne vraiment ? Si, en l’occurrence tous les pays échaudés par
l’exemple de la crise asiatique et qui ont accumulé des réserves de
change en dollars, au premier rang desquels la Chine - quoique pour des
raisons différentes - vont voir leur trésor de guerre s’évaporer. Le 18
mars 2009 n’est peut être pas la date de décès du capitalisme, mais il
frappe les trois coups ouvrant le deuxième acte de cette crise. Celui
de la crédibilité des devises, à commencer par le dollar.