Article paru dans l'édition du 19.09.07.
La crise immobilière américaine est loin d'être
terminée et le pire reste sans doute à venir. L'année 2008 devrait être
marquée par une nouvelle augmentation des défaillances d'emprunteurs
confrontés à des hausses massives de leurs échéances de remboursement.
Sur les 2,5 millions d'Américains modestes ayant souscrit des emprunts dont les taux vont être automatiquement relevés, "1,5 million vont se retrouver dans un état de détresse financière",
prédit Sheila Bair, directrice de la Federal Deposit Insurance Corp.
(FDIC). Cet organisme garantit les dépôts bancaires. Les conséquences
seront lourdes pour ces ménages, mais aussi pour le marché immobilier,
le système bancaire et l'économie américaine dans son ensemble.
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"En 2004,
mais surtout en 2005 et 2006, la vente de crédits à risque s'est
multipliée, allant jusqu'à représenter 20 % de la production globale de
prêts immobiliers. Pour pallier le ralentissement des achats
immobiliers, les organismes spécialisés dans ces prêts ont cherché par
tous les moyens à "faire du volume"", explique Marie-Pierre Ripert,
économiste de Natixis. Or ces crédits dits "subprimes" présentent de
nombreux pièges pour les souscripteurs. En raison même du risque, les
taux sont élevés, allant de 6,5 % à 12 %, contre 4 % à 6 % pour les
emprunteurs classiques.
Surtout, pour permettre à ces emprunteurs
fragiles de contracter un crédit, ils bénéficient, pendant les deux ou
trois premières années, d'un taux d'appel (teaser rate) particulièrement bas, de 1 % à 3,5 %. Au terme de cette période, le taux est "re-fixé" (reset) en fonction des nouvelles conditions du marché financier.
Or,
le principal taux directeur de la Réserve fédérale (Fed), le loyer de
l'argent au jour le jour, qui ne dépassait pas 1 % en mai 2004, atteint
aujourd'hui 5,25 %. Dans 59 % des cas, les familles américaines ayant
souscrit des crédits immobiliers à taux variables vont subir, en 2007,
une hausse d'au moins 25 % de leurs mensualités et, dans 19 % des cas,
d'au moins 50 %, d'après les calculs du cabinet American CoreLogic.
Certains ménages verront ainsi brutalement leur taux de crédit passer
de 1 % à 18 % !
" De nombreux organismes de prêts ne disent
pas toute la vérité dans leurs publicités quand ils proposent des taux
initiaux très bas", explique Lydia Parnes, présidente du
Bureau de la protection des consommateurs. La Bank of America évalue à
515 milliards de dollars (372 milliards d'euros), dont 400 milliards de
dollars sur le marché "subprime", le montant des prêts hypothécaires
qui doivent être réévalués en 2007 et à 680 milliards de dollars, ceux
qui le seront en 2008 (dont 500 milliards sur le "subprime"), le pic se
situant au 1er trimestre 2008.
MULTIPLICATION DES IMPAYÉS
Les
impayés se multiplient. Près d'un emprunt sur cinq, contracté au cours
des deux dernières années, ne pourra être remboursé selon les calculs
du Center for Responsible Lending (Centre pour le crédit responsable).
Les propriétaires en difficulté tentent de renégocier leur crédit, mais
cela devient de plus en plus difficile. En août 2007, seules 43 % des
demandes de transformation de prêts à taux variables en taux fixes ont
été acceptées. Faute d'accord, les emprunteurs doivent se résigner à
vendre leur maison, quand ce n'est pas la banque qui les y contraint.
Les prix s'effondrent. Selon les chiffres de l'Association des
banquiers hypothécaires, le nombre de saisies immobilières a atteint un
niveau record depuis six ans.
Le mal se transmet tout
naturellement au système bancaire. En temps normal, les banques cèdent
leurs créances hypothécaires sur les marchés financiers sous la forme
d'obligations. Mais aujourd'hui, les investisseurs boudent ce genre de
titre. Les établissements bancaires sont donc contraints à
conserver plus de risques dans leurs bilans, à augmenter leurs
provisions et, de fait, leurs taux, ce qui contribue à renchérir le
coût du crédit pour toute l'économie. Cela n'est pas sans conséquences
sur la conjoncture.
La croissance américaine est menacée par la
multiplication des défaillances de remboursement et la poursuite de la
baisse des prix des logements. "La crise immobilière va se
prolonger en 2008 et pèsera encore significativement sur la croissance.
Le haut niveau des stocks de maisons et le resserrement des conditions
du crédit suggèrent une faiblesse durable du secteur", conclut l'étude de Natixis.
Maguy Day et Isabelle Rey-Lefebvre